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L’avocat : artificier ou anarchiste ?

I.INTRODUCTION

Ainsi, il arrive que le législateur, sous la pression de l’urgence ou de la vox populi, vote sciemment des lois ambiguës, produits de compromis boiteux entre des tendances qui n’ont pu s’accorder entièrement, débouchant sur des textes que chacune de ces tendances essayera d’interpréter ou de faire interpréter selon ce qu’elle aurait voulu y inscrire, consacrant ainsi autant de fractures entre les intentions proclamées et le résultat obtenu : voyez, par exemple, les multiples compromis linguistiques, et particulièrement, comme nous l’a montré Fred Erdman, ceux qui organisent le statut des communes à facilités.

Ainsi, il arrive que le législateur, incapable d’appréhender le concret de certains conflits, adopte, par facilité ou par nécessité, sous l’empire de pressions idéologiques ou politiciennes, des textes qui contraindront les magistrats à se livrer à des analyses abstraites ou déshumanisées pour donner une solution, qui apparaîtra forcément injuste au commun des mortels, aux conflits qui opposent ces derniers : voyez, ainsi que nous l’a montré Luc Misson, le recours à l’adultère, pris comme instantané résumant des années de vie commune, pour trancher les conflits conjugaux, en faisant abstraction du vécu réel du couple en crise ; ou, tout simplement, ainsi que l’a indiqué Roger O. Dalcq, toutes les fictions qui organisent notre droit de la responsabilité, de la notion de bonus pater familias à la présomption d’irresponsabilité des « usagers faibles », en passant par la responsabilité pour autrui ou la responsabilité du fait des choses.

Ainsi, il arrive que le pouvoir exécutif, en ne publiant pas les lois, en ne dégageant pas les budgets nécessaires à leurs mises en œuvre, en adoptant des mesures dites « d’exécution » qui sont en réalité des mesures d’inexécution ou de « mal exécution », ou en s’abstenant purement et simplement d’en arrêter, dévoie certains textes, instaurant une nouvelle fracture entre les objectifs proclamés et la réalité de l’application sur le terrain : voyez, ainsi que nous l’a montré Mohamed Ellouze, les incessants ballets auxquels se livrent nos gouvernements autour de l’accueil des réfugiés et la régularisation des sans-papiers.

Ainsi, il arrive que des magistrats, par éthique ou par commodité fonctionnelle, détournent sciemment certains textes afin d’en paralyser l’application ou de la retourner à l’encontre même des fins qu’ils prétendaient servir : voyez, par exemple, comme l’a expliqué Jean-Louis Berwart, l’application des lois successives qui ont tendu à limiter le recours à la détention préventive ; voyez aussi l’application de certaines des lois successivement adoptées pour résorber l’arriéré judiciaire ou, au moins, pour le rendre plus supportable. N’avons-nous pas en mémoire l’exemple de la mise en œuvre, à Bruxelles, de la loi créant des conseillers suppléants, qui prévoyait que les causes fixées à plus de six mois pouvaient être décommandées pour être attribuées à ces chambres supplémentaires ? Des causes fixées dans des délais de sept à dix-huit mois furent ainsi décommandées et les parties averties qu’elles recevraient fixation devant les nouvelles chambres, en fonction de leur disponibilité. La file d’attente est aujourd’hui estimée à cinq ou six ans !

Ainsi, il arrive que des juges, par une application artificieuse de certains principes généraux ou par la combinaison surprenante de textes que le législateur n’avait pas cru en rapport, parviennent à retourner certaines lois de façon à en tirer des conséquences en opposition flagrante avec les fins qu’elles poursuivaient, parfois dans le dessein de protéger des intérêts qui avaient été, sciemment ou malencontreusement, négligés, mais aussi parfois en allant jusqu’à l’absurde : voyez, par exemple, les deux arrêts prononcés le même jour par la même chambre de la Cour d’appel de Bruxelles qui, l’un, au nom des droits de la défense et de la présomption d’innocence, refuse toute validité à une ordonnance de cabinet, négociée entre un mineur assisté de son avocat et le juge de la jeunesse, imposant à ce mineur l’accomplissement de travaux d’intérêt général, et l’autre, au nom de la séparation des pouvoirs, refuse de censurer ce type d’accord lorsqu’il a été « librement » négocié entre le ministère public et un mineur, comparaissant sans l’assistance d’un avocat et en dehors de toute garantie procédurale[1].

 

Ainsi, il arrive que les justiciables eux-mêmes, organisés en groupes d’intérêts ou de pression, parviennent, par l’adresse de leurs juristes ou la puissance de leurs argumentations savamment élaborées, à infléchir des tendances jurisprudentielles ou à paralyser certains droits, en en rendant l’exercice économiquement impossible : voyez, par exemple, comme nous l’a montré Roger O. Dalcq, comment les compagnies d’assurances ont pu, par une rédaction adroite de leurs polices, en jouant sur les notions de clauses de déchéance et d’exclusion, restreindre subrepticement le champ des garanties qu’elles accordent à leurs assurés ; voyez comment ces mêmes compagnies ont pu, par la force de leurs arguments et la doctrine qu’elles ont suscitée, réduire l’indemnisation du préjudice moral à des montants purement symboliques ; voyez, aussi, comment la presse a pu, par la multiplicité des arguments qu’elle contraint ses victimes à écarter si elles veulent obtenir réparation des atteintes, parfois scandaleuses, à leur honneur et à leur réputation, leur imposant ainsi de soutenir des procès dont le coût est nécessairement supérieur à la maigre indemnité qu’elles percevront, précisément à titre de préjudice moral, décourager ces victimes de faire valoir leur droit à la réparation de ces dommages.

 

 

II.L’AVOCAT : ARTIFICIER ?

 

 

Et l’avocat ? Comment se situe-t-il dans ce concert d’intérêts divergents, lui dont le ministère est de servir la subjectivité de ceux qui l’ont appelé à l’aide [2] ?

 

Sa position vis-à-vis de l’artifice n’est, contrairement à l’imagerie populaire, pas nécessairement celle du procédurier artificieux (quel pléonasme ! ?) décrit notamment par Tardi [3].

 

L’avocat tantôt démystifie, tantôt utilise, tantôt crée les artifices.

 

 

  1. L’avocat démystificateur d’artifice

 

 

Le colonel Chabert, porté disparu lors de la bataille d’Eylau, déclaré mort, revient au pays alors que son épouse a refait sa vie avec un autre homme et … tous ses biens.

 

Il consulte Maître Derville. Celui-ci, jouant là le pathos, ici la longueur et les incertitudes de la procédure, finit par amener les parties à un accord. Lui renonce à elle. Elle lui servira une rente[4].

 

Une vraie médiation avant la lettre.

 

Est-ce un signe des temps ? La médiation n’est-elle pas en train d’émerger parce que notre justice est trop artificielle[5] ?

 

Lorsque des particuliers confient la solution de leurs conflits à la justice, les juristes sont contraints de traduire la réalité en concepts juridiques, de se livrer à une opération d’abstraction. Ils créent ainsi une image virtuelle du conflit, qui connaîtra sa vie propre, alimentée partiellement par la vie réelle (qui rétroagira, le cas échéant, sur le conflit virtuel par le biais de demandes additionnelles, nouvelles ou modifiées, par l’ajout de nouvelles pièces ou l’appel de nouveaux témoins) mais aussi par l’imagination des conseils.

 

Le jugement qui interviendra ne tranchera que le litige virtuel, ainsi construit par les juristes. Le décalage, plus ou moins important, entre le litige artificiel ainsi réglé et le conflit réel vécu par les parties, est, dans notre société, imprégnée d’individualisme et d’autodétermination, de moins en moins accepté.

 

D’où l’émergence de la médiation, technique de résolution des conflits qui tend à rendre aux parties elles-mêmes la maîtrise de leur litige. Où le médiateur a pour rôle essentiel de traquer l’artifice, de débusquer, au-delà des arcanes du langage et des positions sociales, la réalité du différend qui sépare les parties, pour les amener, lorsqu’elles auront mieux compris ce qui les sépare, à dépasser leurs oppositions pour construire un accord qui transcende leur division antérieure.

 

Le succès de la médiation, encore relatif chez nous, mais considérable dans d’autres pays comme les Etats-Unis ou le Canada et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni ou la France, est donc significatif.

 

Les citoyens ne veulent plus, plus autant en tout cas, de cette justice artificielle, qui leur ôte la maîtrise de leurs litiges et qui ne tranche pas les « vrais problèmes ». Ils cherchent à reprendre eux-mêmes possession de leurs différends, et à les dépasser réellement.

 

L ‘avocat médiateur a très certainement un rôle très important à jouer à cet égard. Notamment un rôle moralisateur, puisque si la médiation permet la confrontation directe des antagonistes, elle risque bien de favoriser la force plutôt que l’équité. Mais ceci est une autre histoire[6].

 

Certains avocats estiment qu’ils ont toujours été des médiateurs. En un sens, ils n’ont pas tort. Si être médiateur, c’est d’abord démystifier les artifices du droit, rechercher la réalité du vécu subjectif derrière les concepts juridiques abstraits, bien sûr, l’avocat a, de tout temps, été médiateur.

 

N’a-t-il pas toujours eu pour mission de conseiller son client, c’est-à-dire, souvent, de l’aider, au-delà des artifices du droit, à trouver une solution à ses vrais problèmes ?

 

N’a-t-il pas toujours eu pour fonction de l’aider à se concilier avec ses partenaires ou adversaires, souvent, comme un médiateur, en atteignant la réalité du différend, au-delà de ses apparences juridiques ?

 

N’a-t-il pas toujours eu pour tâche, lorsqu’il rédige des conclusions ou prononce une plaidoirie, de démonter les raisonnements artificieux de la partie adverse[7] ?

 

L’avocat est donc plus souvent démineur qu’artificier.

 

C’est un rôle que, plus que jamais, il doit cultiver et revendiquer, j’en suis persuadé.

 

 

  1. L’avocat utilisateur d’artifices

 

 

Vous souvenez-vous de la petite marquise de Rennedon ?

 

Délaissée, persécutée par son mari, qui avait pris maîtresse, confrontée à un droit qui ne reconnaissait comme cause de divorce aux torts du mari que les injures graves, si difficiles à prouver, et l’entretien de concubine, elle conçu un plan aussi hardi qu’enjoué : engager une soubrette qui serait le sosie de la maîtresse de son mari. Lui faire porter le même parfum, le même linge.

 

Et lorsque la garce fut arrivée, sans guère d’efforts, à ses fins, la prier de s’abandonner à heure précise, sur rendez-vous, alors que la petite marquise avait convié, pour assister à la scène, notaire, parents et magistrat.

 

Quelle belle surprise pour Monsieur le marquis. La marquise était sauvée [8] !

 

L’artifice ne naît pas toujours dans les cabinets d’avocats[9]. Il est, dans ce cas, l’œuvre des parties elles-mêmes et, avant tout, de la loi. Quelle folie que de résumer la vie d’un couple à un instantané, qu’il soit moment d’égarement, seconde d’abandon ou paradigme de la quotidienneté !

 

Nous disserterons tout à l’heure des limites que la déontologie assigne à l’avocat dans ce genre de stratégie.

 

Il est en tout cas constant qu’acteur d’un jeu organisé par des lois artificielles, l’avocat ne peut souvent que mettre en œuvre des artifices.

 

Défendre la marquise de Rennedon, c’était jouer l’artifice. Pas de choix. C’était la règle du jeu. Aussi artificielle qu’elle soit.

 

 

 

  1. L’avocat créateur d’artifice

 

 

On raconte, dans les plaines de Perse et les collines de Transoxiane, l’histoire de Nasruddine, qui avait volé l’âne du sultan[10].

 

Cité à comparaître devant celui-ci, et risquant la peine de mort, Nasruddine osa une défense des plus hardies.

 

« Cet âne », plaida-t-il, « est en réalité mon frère, qu’un magicien a ensorcelé. Si tu me donnes un an, seulement un an, je lui aurai réappris à parler ».

 

« Fort bien ! mais si dans un an, jour pour jour, l’âne ne parle pas, tu seras exécuté », répondit le sultan.

 

Comme il sortait du palais, Nasruddine se fit apostropher par un ami : « Mais, Nasruddine, comment peux-tu espérer faire parler cet animal ? Ne t’es-tu pas toi-même condamné ? ».

 

Et Nasruddine de répondre, malicieusement : « Tu sais, en un an, bien des choses peuvent arriver : le sultan peut mourir, je peux mourir, l’âne peut mourir … ».

 

Nasruddine n’avait pas d’avocat. Il n’y en avait pas à cette époque dans la cour des sultans.

 

Mais, combien d’avocats depuis, et d’ailleurs bien avant Nasruddine déjà, n’ont-ils pas ainsi usé d’artifices, parfois banals, parfois géniaux, pour retarder une cause, annuler une procédure, provoquer un moyen de cassation ou un aveu extra judiciaire, obtenir une prescription, …

 

Tantôt démystificateur, tantôt utilisateur d’artifices, lorsque l’intérêt de son client l’exige, l’avocat est aussi créateur d’artifices.

 

Et j’aurais tendance à affirmer que, si le recours à l’artifice est une technique toujours discutable, parfois blâmable, dans le chef du législateur, du magistrat ou des groupes de pression, l’avocat est en tout cas celui qui, par profession, est le plus autorisé à jouer d’artifices. Certes, pas tous les artifices, pas tous les artifices en toutes circonstances, c’est l’objet de la suite de cet exposé, mais en tout cas certains artifices, certains artifices en certaines circonstances.

 

Pour s’en tenir à l’évidence, il ne me paraît pas discutable que l’avocat d’un délinquant puisse plaider l’irrégularité de la motivation d’un mandat d’arrêt, l’omission de l’envoi d’un avis de fixation ou le dépassement d’un délai pour obtenir la libération d’un dangereux trafiquant. L’avocat est là pour cela : pour défendre son client. Pour exiger le respect de la procédure, gardienne des droits de la défense, même au prix de la libération d’un coupable.

 

Il ne me paraît pas non plus discutable qu’un avocat puisse solliciter une remise ou une mesure d’instruction complémentaire, dont l’utilité apparaîtra peut-être très limitée, dans le seul dessein d’atteindre l’échéance d’une prescription. Qu’il puisse invoquer la présence au siège d’un conseiller suppléant pour obtenir la cassation d’un arrêt qui donne tort à son client[11], même dans le dessein de pouvoir invoquer devant la cour de renvoi des arguments omis dans le cadre de la première procédure ou de faire valoir des éléments de preuve qu’il a reçus tardivement et qui ont été rejetés dans le cadre d’une demande de réouverture des débats. L’avocat est là pour cela : pour défendre son client. Pour faire valoir toutes les ressources de son ingéniosité pour que sa cause soit entendue, même si cela doit retarder le cours de la justice. Pour « libérer l’homme », le client qui l’a choisi, « de la parole qui est en lui », selon la belle expression de Jean-Denis Bredin[12].

 

C’est qu’en définitive, le droit est artifice. Et user d’artifices, c’est parfois défendre le droit.

 

 

III.L’AVOCAT : ANARCHISTE ?

 

 

L’avocat a donc un double visage.

 

Tantôt il est là pour mettre l’artifice à nu, pour empêcher qu’il provoque l’injustice. C’est là, sans doute, que l’avocat trouve une part de sa noblesse. Il est l’ultime recours contre la machine aveugle. Celui qui permet d’exprimer non LA vérité, prise comme un idéal absolu, mais une des vérités multiples, celle de celui qui lui a fait confiance.

 

Au pénal, au civil ou au contentieux objectif, l’avocat a donc un rôle fondamental de défenseur de l’individu. Il faut le dire avec force et lutter pour que nos gouvernants, par des atteintes au secret professionnel, à l’indépendance, ou en limitant l’aide juridique, ne limitent pas les prérogatives essentielles de notre profession.

 

Ceci posé, et proclamé, intéressons-nous à l’autre visage de l’avocat.

 

Lui aussi use donc d’artifices. Il le peut. Il le doit. Jusqu’où peut-il aller ?

 

Michel Delhaye et moi-même nous sommes partagé le travail. Lui, il vous livrera dans quelques instants son opinion quant aux frontières qui délimitent l’action de l’avocat dans le procès.

 

Il m’appartient de vous livrer la mienne, quant à l’action de l’avocat autour du procès.

 

Nous sommes convenus, à cet égard, de nous accorder une totale liberté de parole. Il exprimera ses convictions. Moi les miennes. Elles ne sont pas fondamentalement contradictoires, mais des nuances, voire des divergences, apparaîtront. Nous espérons qu’elles pourront nourrir un débat qui nous semble aussi riche qu’important.

 

 

  1. Le procès comme artifice

 

 

Il est de plus en plus fréquent qu’un procès ne soit plus une fin en soi, mais un simple moyen.

 

Un recours au Conseil d’Etat contre un refus de permis de bâtir de régularisation n’est souvent introduit que pour retarder les poursuites pénales exercées contre celui qui a effectué des travaux sans permis préalable.

 

Un recours au Conseil d’Etat contre un ordre de quitter le territoire n’est souvent introduit que pour retarder une expulsion inéluctable et obtenir, pendant le temps gagné, le bénéfice de l’aide sociale.

 

Un procès en responsabilité peut n’être introduit que pour faire pression sur le défendeur, afin qu’il cesse une entreprise de dénigrement, afin de l’amener à la table des négociations, afin de lui faire renoncer à l’exercice d’un recours dont la longueur risque de paralyser une entreprise.

 

L’avocat n’est plus alors le défenseur de la veuve et de l’orphelin mais un pion sur un échiquier ou, au mieux, un joueur d’échecs.

 

Ce faisant, il peut servir des intérêts parfaitement considérables : comment blâmer celui qui assigne un journaliste qui, fort de la quasi-impunité que d’autres artifices juridiques lui ont procurée, persécute une personne privée, qu’elle soit princesse, juge ou simple citoyenne ?

 

Comment blâmer celui qui tente de paralyser par un procès l’action d’une multinationale qui, forte de sa puissance économique, s’efforce d’écraser un concurrent plus faible ?

 

Comment blâmer celui qui tente de briser le jeu du « procédurier » qui spécule sur la longueur d’une procédure pour porter atteinte aux intérêts économiques d’une entreprise en difficulté?

 

Mais ces mécanismes peuvent aussi servir des fins moins nobles.

 

Le recours au Conseil d’Etat peut tendre seulement à permettre à une entreprise polluante de maximiser ses bénéfices, sans égards pour la santé de la population qu’elle met en péril.

 

L’action en dommages et intérêts peut tendre à faire taire un journaliste courageux qui dénonce les excès d’une puissance injuste, à affamer un adversaire moins fortuné, à se donner une monnaie d’échange factice, pour contrebalancer une légitime prétention.

 

Comment arrêter Largo Winch ? Difficile ! On peut toujours essayer de le déstabiliser en le droguant, en le prenant en photo dans le lit d’une espèce de Zsa Zsa Gabor, puis en lui lançant dans les pattes un bon procès en rupture de fiançailles[13].

 

Où est la limite ?

 

 

  1. L’artifice autour du procès

 

 

Il est de plus en plus fréquent aussi de voir l’avocat déserter la barre pour accompagner son client dans sa stratégie globale, voire pour l’organiser.

 

Que penser de l’avocat qui accompagne ses clients dans leurs entreprises de lobbying ou pour quémander des faveurs, qui ne seront peut-être obtenues qu’au moyen de pots-de-vin ou par favoritisme, sans qu’il le sache, ou alors qu’il le craint, ou quoiqu’il le subodore, ou alors qu’il le sait pertinemment ?

 

Que penser de l’avocat qui organise l’évasion fiscale dont se prévaudra son client, en lui laissant apparaître habilement, ou platement, comment, pour utiliser la distinction suggérée par Jean-Pierre Bours, l’artifice pourrait devenir subterfuge et l’évasion devenir fraude ?

 

Que penser de l’avocat qui orchestre une campagne de presse, le cas échéant autour d’un procès prétexte ?

 

Que penser de l’avocat qui manipule les médias, exhibant certaines pièces en en retenant d’autres, trompant sciemment ses interlocuteurs pour exercer des pressions tantôt sur un juge, un jury, un gouvernant, une société privée ?

 

Vous souvenez-vous de cette scène du film de Philippe Labro « Rive droite, rive gauche », où Gérard Depardieu, avocat d’un capitaine d’industrie accusé d’avoir dissimulé le rapport qui l’avertissait des dangers que sa production faisait courir à la santé publique, dans le cadre d’un scandale du type « dioxine » ou « vache folle », se présentait devant la presse, déclarait « la vraie question n’est pas de savoir si ce rapport existe ou non » puis, sortant un document de sa poche, poursuivait « Ce rapport, le voici », puis, remettant le document dans sa poche, sans que quiconque ait pu voir ce qu’il était vraiment, continuait « La vraie question, c’est celle-ci : est-ce que je suis un salaud ? ».

 

 

  1. Une impossible frontière ?

 

 

Est-ce la bonne question ?

 

Où est la limite dans l’usage de l’artifice ?

 

A partir d’une typologie de l’artifice, dans le procès judiciaire, Michel Delhaye essayera, dans un instant, de placer des frontières, autour de trois notions phares : légalité, vérité, loyauté.

 

Je voudrais, quant à moi, disserter autour de la proposition suivante : l’avocat n’a de limites que la loi et sa conscience.

 

Articulons-la autour de quatre thèses :

 

Premièrement, l’avocat peut accomplir tout ce que la loi lui permet.

 

Deuxièmement, il appartient à l’avocat, dans les limites de la loi, de juger en conscience jusqu’où il ira pour la défense de son client. Qu’il agisse au judiciaire ou en marge du judiciaire, le principe reste constant, même si les règles qui gouvernent son action diffèrent

 

Troisièmement, il n’existe pas de principe général, transcendant la loi, qui autorise l’avocat à transgresser celle-ci au nom de sa conscience.

 

Quatrièmement, la loi contient, aujourd’hui, tant de ressources, que ses limitations ne peuvent handicaper l’avocat.

 

Développons quelque peu ces idées.

 

L’avocat a prêté le serment de fidélité à la loi et à la constitution : c’est la première partie de son serment.

 

En principe, la loi imprime donc des limites à son action. Il ne peut pas se muer en complice de son client lorsque celui-ci cherche à transgresser la loi : commettre un faux, une escroquerie, une fraude.

 

Au-delà, l’action de l’avocat ne connaît, à mon sens, pas d’autre limite que celles que sa conscience lui dicte.

 

Faudrait-il décider qu’en fonction de la qualité, objectivement appréciée, de la cause qu’il défend, l’avocat pourrait user de plus ou moins d’artifices ? Qu’il aurait, en fonction de la ligne de défense utilisée par son adversaire, plus ou moins artificieuse, plus ou moins honnête, le droit d’être lui-même plus ou moins rusé, plus ou moins légaliste, plus ou moins sincère, plus ou moins loyal ?

 

Je ne puis le concevoir. Qui peut juger de la justesse d’une cause, sinon l’avocat qui se la voit confier ? Qui peut juger de la sincérité, de la loyauté de la partie adverse ? Comment fonder sur des notions aussi éminemment subjectives une théorie du bien et du mal agir dans le chef de l’avocat ? Seul l’avocat, dans les limites que la loi impartit à son action, peut juger si les moyens qu’il emploie sont proportionnés à la valeur de la cause qu’il a accepté de défendre[14]. A lui de déterminer, en fonction de sa personnalité et de ses convictions, si telle cause justifie l’emploi d’un artifice.

 

Je ne veux pas dire par là que l’avocat doit tout se permettre.

 

Illustrons notre propos, par un exemple simple.

 

Au pénal, il n’appartient pas à l’avocat d’affirmer l’innocence de son client[15]. Son rôle d’avocat est de plaider que le parquet n’établit pas sa culpabilité. Mais rien n’interdit à l’avocat d’affirmer sa conviction en l’innocence de son client. Lorsqu’il décide d’agir ainsi, l’avocat use d’un effet de manche, c’est-à-dire d’un artifice. Car invoquer une conviction ne peut servir la vérité. Nietzsche n’a-t-il pas déclaré que « les convictions sont des ennemis de la vérité beaucoup plus dangereux que les mensonges »[16] ?

 

Lorsque l’avocat agit ainsi, il le fait en conscience, parce qu’il a décidé d’engager son crédit à l’appui de la cause qu’il défend. Qui peut le lui reprocher ?

 

L’avocat décide donc librement, tant qu’il reste dans la légalité, d’agir de façon plus ou moins artificielle, plus ou moins artificieuse, en fonction de la conscience qu’il a de son rôle et de la justesse de la cause qui lui est confiée.  C’est la deuxième partie de son serment : il ne défendra que des causes qu’il estime justes, que lui, et lui seul, estime justes.

 

Mais, qui peut dire que celui qui défend le pauvre plutôt que le riche, l’étranger plutôt que le national, la victime plutôt que l’assassin, pourrait aller plus loin (ou devrait aller moins loin) ? Ce serait déjà préjuger de la cause ou dresser un catalogue, forcément discriminatoire – je veux dire contraire au principe d’égalité inscrit dans les articles 10 et 11 de la constitution et 14 de la convention européenne des droits de l’homme – des causes qui, plus que d’autres, mériteraient d’être défendues. Ce serait nier l’essence même de notre profession.

 

Voilà, selon moi, le principe : à l’intérieur des limites de la loi, il n’est point d’autre barrière que celle de la conscience. Rien ne peut empêcher Jacques Vergès de défendre Klaus Barbie, rien ne peut le limiter dans l’exercice de sa mission, sinon l’idée qu’il se fait lui-même de ce qui est bien ou mal, de ce qui est juste. Il agira en conscience, en mettant son âme et son crédit dans la balance.

 

Je ne vois pas ce qui permettrait de distinguer entre l’action de l’avocat au judiciaire et l’activité de conseil qu’il déploie parallèlement. Bien sûr, des règles particulières peuvent, ici ou là, limiter son action. Pour assurer la sérénité de l’administration de la justice, des règles différenciées peuvent s’appliquer tantôt dans certaines circonstances, tantôt dans d’autres. Mais le principe reste identique. Ce qui n’est pas prohibé relève de la conscience, devant les tribunaux comme à la ville.

 

Peut-on admettre une exception au principe : existe-t-il des situations dans lesquelles les limites de la loi pourraient être transgressées ?

 

Existerait-il des causes à ce point justes, des oppositions à ce point déloyales, des lois à ce point injustes ou des régimes à ce point non démocratiques que l’avocat soit justifié dans sa transgression de la loi ?

 

C’est poser la question d’un droit naturel objectif, qui transcenderait la loi. Faut-il le trouver dans des valeurs véhiculées par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? Et si oui, par quel état de la convention, l’actuel, le premier, celui de demain ?

 

Vous m’avez déjà compris. Faute de pouvoir reconnaître un corps de règles qui s’imposerait toujours et partout, je ne vois pas ce qui autoriserait l’avocat, en tant qu’avocat, à transgresser la loi au nom d’un principe supérieur.

 

L’avocat, même lorsqu’il se met au service d’une utopie, aussi séduisante soit-elle, reste régi par les règles  de l’ordre juridique dans lequel il se trouve.

 

Il ne peut se revendiquer de cette utopie pour transgresser la loi. Ou alors, s’il le fait, il quitte le domaine du juridique pour entrer dans celui du politique, de l’idéologique, du moral.

 

Il n’est pas nécessairement blâmable pour autant, mais il quitte son rôle d’avocat[17].

 

Antigone, lorsqu’elle rejetait la loi de Créon au nom de la petite flamme qui brûlait en elle, était admirable. Autant que Gandhi ou Ibrahim Rugova. Et Che Guevarra ? Et Lénine ? Et l’I.R.A. ou l’E.TA. ? Et les tchétchènes ? En quoi sont-ils différents, sinon par les valeurs qu’ils défendent, vérités aujourd’hui, peut-être erreurs demain (ou l’inverse) ?

 

L’avocat, parce qu’il doit pouvoir défendre toutes les causes, ne peut voir son action d’avocat commandée par d’autres valeurs que celles qui justifient son statut de contrepouvoir institutionnel.

 

Les valeurs qu’il incarne sont la libre contradiction, la défense. Elles ne peuvent être mises en œuvre que dans le cadre légal du système qui lui accorde la parole. Violer ces règles c’est mettre l’avocature elle-même en péril. C’est risquer qu’au nom des écarts de l’un, on vincule tous les autres, privant ainsi les justiciables de la possibilité de se confier, sous la garantie du secret professionnel, à un corps qui jugera, en conscience, quels artifices il estime pouvoir mettre à leur disposition.

 

Reste une belle question. Si la loi est la limite de l’action de l’avocat, qu’est-ce que la loi ?

 

Les Anglais nous l’ont appris . Il y a dans la loi plus que la loi.

 

Ou, comme l’a dit Corto Maltèse, « le mot « loi » est un des plus polyvalents qui soit, et ceci d’abord parce que la réalité qu’il recouvre est ambiguë, ou mieux … d’une complexité historique et existentielle difficile à éclaircir » [18].

 

Et il est vrai que le phénomène juridique est devenu, à la fin de ce siècle, des plus complexes : convention internationale contre constitution ; constitution contre loi ; loi contre arrêté ; principes généraux contre textes ; usages et coutumes contre lettre ; jurisprudence contre doctrine ; interprétation téléologique contre interprétation exégétique. Toutes les thèses peuvent être défendues aujourd’hui, ou presque.

 

Au point que certains – dont je ne partage pas l’opinion – estiment qu’il n’y aurait plus de place aujourd’hui pour les procès de rupture, puisque la loi, au sens large, offre en elle-même tant de ressources que, dans une société républicaine moderne, toute thèse peut être défendue.

 

Je pense, quant à moi, mais ceci est une autre histoire, que le choix reste ouvert, entre la connivence, la plaidoirie dans le système, et la rupture, la plaidoirie contre le système. Il s’agit d’un choix qu’il appartient à l’avocat d’accomplir avec son client. Il reste légitime, aujourd’hui, de choisir la contestation du système, de refuser la juridiction d’un Etat que l’on conteste, même lorsque d’autres stratégies peuvent paraître plus efficaces mais qu’elles sont considérées comme indignes ou avilissantes, ou parce que l’on pense que toute stratégie de connivence serait inefficace.

 

C’est une autre histoire, car nous parlons ici des règles de fond, celles qu’il peut appartenir à l’avocat de dynamiter, au nom de la subjectivité de son client. L’avocat peut parfaitement, en usant d’arguments juridiques, décliner une juridiction, contester la conformité d’une loi à une convention internationale ou à la constitution, plaider l’irrecevabilité de poursuites au nom de principes généraux non écrits… . Il peut ainsi défendre toutes les opinions politiques, même les plus contestatrices, même les révolutionnaires. Il peut défendre Marx ou Jésus, D’Orazio ou Dutroux.  C’est en ce sens que l’avocat est anarchiste, sans Dieu, sans maître[19].

 

Mais, quant aux règles qui gouvernent son intervention, je ne transige pas. Qu’elles procèdent de la loi ou de règles déontologiques[20], l’avocat y reste soumis. Il peut les contester en utilisant tous les moyens légaux, mais uniquement ceux-là[21].

 

On m’objectera que, dans des circonstances extrêmes, bien des avocats (comme bien d’autres professionnels) seraient prêts à transgresser la loi pour empêcher une injustice criante. L’avocat des jeunes que je fus, se souvient de quelques avocats couchés sur une petite route de province pour empêcher l’expulsion, particulièrement scandaleuse, d’un jeune marocain de seize ans, vers un pays avec lequel il n’avait aucune attache. Beaucoup auraient agi comme eux.

 

Mais la question n’est pas là.

 

Nous n’avons pas à nous demander ce que nous ferions dans telle ou telle circonstance. Il est heureux que beaucoup d’avocats choisirent la désobéissance civile pendant l’occupation allemande. Il est possible qu’un jour, au nom de la flamme d’Antigone, nous la choisissions à notre tour.

 

Nous devons nous demander comment nous jugerions ces cas s’il nous appartenait d’en connaître en qualité de président d’une juridiction correctionnelle ou disciplinaire. Pourrions-nous trouver dans la loi (au sens le plus large) de quoi les absoudre ? Un principe général, une norme internationale, l’état de nécessité ? Si oui, il n’y a pas d’illégalité. Sinon, nous devrions condamner. L’avocat serait alors sorti de son rôle.

 

Hors la loi, l’avocat n’est plus avocat.

 

Il n’est plus qu’un hors-la-loi, sympathique ou antipathique, révolutionnaire ou réactionnaire, généreux ou égoïste, digne ou indigne, admirable ou méprisable.

 

Mais hors-la-loi et plus avocat.

 

                                                           Patrick HENRY, le 9 novembre 2000



[1]     Cour d’appel de Bruxelles, 18 octobre 1999, deux arrêts, J.L.M.B. 2000, p. 1521 et 1524, avec les observations P.H.

[2]     On rappellera qu’étymologiquement avocat veut dire « ad vocatus », « celui que l’on appelle ».

[3]     Tardi,  Ici même

[4]     H. de Balzac, Le colonel Chabert

[5]     On renverra pour cette analyse au magistral exposé d’E. Delruelle. Voyez aussi H. Van Houtte, « Mediatie : is het gras groener aan de andere kant van den heuvel ? », Liber amicorum Jozef van den Heuvel, p. 231 : l’émergence de la médiation proviendrait de ce que, de nos jours, les justiciables attendent des tribunaux plus que ce qu’ils peuvent donner.

[6]     Voyez sur cette question P. Henry, « Médiation et conflits en matière de construction (La responsabilité du médiateur) », in La médiation en matière commerciale, Editions du Jeune barreau de Liège, 2000, p. 147

[7]     Comme l’écrit M. Gout ( « Nous sommes tous des Julien Pierre », Bull. Barreau Paris, 1997/9, p. 64), « Défendre ce n’est pas approuver ou absoudre, c’est simplement tenter de faire comprendre, si tant est qu’il y ait quelque chose à comprendre. C’est aussi contribuer, avec d’autres, à ce que la lumière, toute la lumière, soit faite pour que la Justice puisse être rendue ».

[8]     G. de Maupassant, Sauvée, Contes et nouvelles, La pléiade, p. 651.

[9]     « Ce n’est point à des avocats qu’il faut aller, car ils sont d’ordinaire sévères là-dessus et imaginent que c’est un grand crime que de disposer en fraude de la loi. Ce sont des gens de difficulté qui sont ignorants des détours de la conscience. Il y a d’autres personnes à consulter qui sont bien plus accommodantes, qui ont des expédients pour passer doucement par-dessus les lois et rendre juste ce qui n’est pas permis, qui savent aplanir les difficultés d’une affaire et trouver les moyens d’éluder la coutume par quelques avantages indirects », fait dire Molière à l’un de ses personnages (Le malade imaginaire, acte I, scène IX)

[10]    A. Maalouf, Samarcande

[11]  Voyez Cass. 10 mai 2000, JLMB., 2000, p. 1638

[12]    cité par J.-M. Varaut dans son très beau discours « Y a-t-il encore une place pour l’avocat ? », Les annonces de la Seine, 2000, n°21, p. 6

[13]             P. Francq et J. Van Hamme, O.P.A. et Business blues

[14]    C’est aussi ce nécessaire rapport à la conscience qui justifie que seul l’avocat soit juge, lorsqu’il est appelé à témoigner en justice, de l’opportunité de révéler les secrets qui lui ont été confiés par ses clients.

[15]    « Défendre ce n’est pas assumer les manquements reprochés au prévenu », dit exactement le bâtonnier Brunois.

[16]    Humain, trop humain

[17]    Il me semble que Madame le bâtonnier D. de la Garanderie ne veut pas dire autre chose lorsqu’elle écrit : « Si un avocat instrumente la justice, au mépris du droit et de la vérité, pour utiliser sa qualité afin d’aider et de faciliter le crime, il trahit son serment et n’a plus sa place. Il sera exclu. » et « Un avocat coupable et complice d’un délit n’exécute plus des actes de sa profession, et cela « en toutes matières » » (discours prononcé lors de la séance de rentrée du barreau de Paris, mai 2000, Gaz. Pal., 5 et 6 mai, 2000, p. 20  et 23). « Il n’est de défense que probe », dit encore le bâtonnier Brunois.

[18]    Hugo Pratt, Les helvétiques.

[19]    Pour P. Lombard, « Etre avocat, c’est se battre, s’opposer sans cesse, et courir l’aventure et le risque de la tempête et de la défaite, c’est accepter l’incertain, l’abîme et l’infortune et, dans l’infortune, la seule fortune qui compte, l’honorable solitude ». Et il ajoute « Nous sommes là pour sauver un homme, pas pour faire triompher une cause et sans penser pour autant que la fin justifie tous les moyens ». « Puisque l’avocat fait profession d’assister les personnes pour l’application du droit, il se doit d’être un homme libre », écrit encore A. Braun (« Les indépendances de l’avocat », Liber amicorum Pierre Lambert, p. 82)

[20]    La déontologie comprend bien sûr les principes de loyauté (voyez, sur cette notion, M. Franchimont, « Loyauté, proportionnalité et procès équitable », Liber amicorum Pierre Lambert, p. 375), de dignité (voyez, sur cette notion, P. MARTENS, « Encore la dignité humaine : réflexions d’un juge sur la promotion par les juges d’une norme suspecte », Liber amicorum Pierre Lambert, p. 561), de respect de la vérité (voyez sur cette notion, L. Goffin, « De l’obligation de sincérité de l’avocat », J.T., 1989, p. 265) et de la juste cause (voyez sur cette notion, Y. Hannequart, « La juste cause », cours de l’école du stage, à paraître aux Editions du jeune barreau de Liège). En aucun cas, je ne prétends donc, en affirmant que l’avocat n’a pour limites que la loi et sa conscience, qu’il pourrait se dispenser de respecter ces valeurs. Reste donc à définir ce que ces devoirs de loyauté, dignité … impliquent concrètement. Cette étude dépasse le cadre du présent exposé. On renverra sur ce point aux observations de Michel Delhaye.

[21]    Dans un récent billet (« La déontologie de l’avocat devant les juridictions internationales, Jour. Proc., 2000, n°401, p. 29), P. Legros, constatant que les avocats qui plaident devant des juridictions internationales comme les cours et tribunaux de La Haye, Arusha, Strasbourg,… y rencontrent des adversaires non avocats qui ne voient par leur action vinculée par les règles déontologiques qui s’imposent aux avocats, plaide, au nom de l’égalité des armes, pour un assouplissement des règles déontologiques dans ces circonstances. Sans entrer dans ce débat, ne peut-on faire observer qu’il témoigne à la fois de l’importance de la déontologie et du rôle du barreau ? Ne serait-il pas plutôt opportun que tous les plaideurs soient astreints à suivre ces règles ?

 

 

in Le législateur, le juge, l’avocat et les artifices du droit, Ed. du jeune barreau de Liège, 2001, p. 155

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