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Le peuple en a marre ! - Mot du président - 02/06/2016

« Grève politique », « Jusqu’à ce que le Gouvernement tombe », « Prise en otage des étudiants, des travailleurs, des indépendants, des citoyens, des détenus, … », « Égoïsme corporatiste de fonctionnaires nantis », « Autisme gouvernemental », …

Quelques titres ou formules, pris pas tout à fait au hasard, parmi ceux qui fleurissent dans nos journaux.

« Le peuple en a marre ». Oui, mais de quoi ? De la politique de ce Gouvernement, qui veut à tout prix réduire les dépenses publiques, en sacrifiant des postes qui, forcément, profitent à beaucoup (et souvent aux plus défavorisés) ? Ou de ces grèves incessantes, qui apparaissent de plus en plus comme politiques et qui paralysent le pays en prenant en otage d’autres « plus défavorisés », voire, souvent, les mêmes.

« Un député, un ministre qui fait grève, ça n'existe pas. Un juge ne fait pas grève, car un juge c'est l'État. En plus, des règles interdisent la coalition de fonctionnaires, le déni de justice. Je ne dis pas que ces règles seraient applicables en l'espèce, mais elles incarnent des valeurs que nous sommes attachés à respecter », disait Jean de Codt il y a quelques jours à l’occasion d’une émission de télévision mémorable.

Il a donc finalement été entendu. Les associations représentatives des magistrats ont opté pour un mode de protestation plus symbolique, en phase avec les propos du plus haut magistrat du pays.

Il reste que deux discours s’affrontent.

Personne ne me fera dire que notre système judiciaire est sans reproche. La recension de l’ouvrage Spectacle et Justice en est une nouvelle illustration. Et je suis reconnaissant au ministre de la Justice de tenter d’y apporter des réformes qui lui permettraient de continuer à jouer son office de régulateur de notre société, à un coût qui resterait dans des limites acceptables. Il n’a pas la tâche facile. Tant de juristes considèrent que toute proposition de réforme est une agression…

Mais, d’un autre côté, nous ne pouvons ignorer que rendre la Justice est une fonction essentielle de l’État. En aucun cas, elle ne peut être sacrifiée. Mettre en place des réformes qui permettraient des économies est donc une démarche qui doit être approuvée. Mais il n’est pas acceptable que l’on anticipe sur les économies que ces réformes pourraient, peut-être, générer pour réduire encore un budget qui, depuis des années, est allé sans cesse en s’amenuisant jusqu’à contraindre tous les acteurs de justice aux trucs et aux bouts de ficelle.

Il faut être clair.

Oui, nous pouvons accepter des réformes qui permettraient à l’appareil judiciaire de continuer à remplir sa fonction de troisième pouvoir, dans des limites budgétaires compatibles avec les exigences d’aujourd’hui.

Non, nous ne pouvons pas admettre des coupes indistinctes, qui anticipent les profits espérés de mesures, souvent intelligentes mais dont il est difficile (impossible ?) de présumer les effets concrets qu’elles pourraient apporter.

Dans cette mesure, nous soutenons le mouvement de revendications qu’entreprennent, à partir d’aujourd’hui, les organisations représentatives des magistrats. Nous l’avons dit. Je le redis.

Mais, aux uns comme aux autres, je voudrais dire aussi que ce ne sont pas les plus défavorisés qui doivent pâtir de ce combat.

Et je me réjouis que ce ne soient pas, à nouveau, les plus défavorisés qui pâtissent de ce combat légitime.

Luttons,