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Je veux que l’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en sert contre le Gouvernement

« À Monsieur Cambacérès.

Vendémiaire an XIII (octobre 1804)

Mon cousin,

Je reçois un projet de décret sur les avocats ; il n’y a rien qui donne au grand juge les moyens de les contenir. J’aime mieux ne rien faire que de m’ôter les moyens de prendre des mesures contre ce tas de bavards, artisans de révolutions, et qui ne sont inspirés presque tous que par le crime et la corruption. Tant que j’aurai l’épée au côté, je ne signerai jamais un décret aussi absurde ; je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s'en sert contre le gouvernement.

Napoléon »[1].

 

  1. Le contexte

Comment en est-on arrivé là ?

  1. Les origines

Dans son célèbre Dialogue des avocats du parlement de Paris, au début du XVIIe siècle, Loisel avance d’entrée : « Comme un estat ne peut subsister sans iustice, aussi la iustice ne peut se poursuivre et s’exercer sans l’assistance et le conseil de ses ministres, dont les advocats sont les principaux »[2].

L’avocat est, à cette époque, en haute estime. Le métier conduit généralement à la noblesse[3] et à des postes de conseiller du Roi. « L’estat d’advocat estoit alors si honorable, que toute la ieunesse la mieux instruite, voire des meilleures maisons, tendoit à faire montre de son esprit en cette charge, avant que de se mettre aux offices des conseillers ou autres », poursuit Loisel en parlant du temps où il entra en profession, en 1549.

Nous ne remonterons guère plus loin. Bien sûr, avant il y eut les Grecs – Protagoras, Gorgias et les sophistes, puis Démosthène - mais il est difficile d’y reconnaître les avocats d’aujourd’hui. Ils parlaient pour autrui, débattaient, défendaient des causes, mais étaient sans doute plus des rhéteurs que des défenseurs[4]. C’est à Rome que les Cicéron, Caton et autres Quintilien, en joignant progressivement la science du droit à la représentation du justiciable, vont faire émerger la notion d’advocatus, véritable ancêtre de notre profession[5].

Des « avocats », ou plutôt des sortes de procureurs, que l’on appelait à l’époque des emparliers[6], sont présents à la cour de Charlemagne. Dans un capitulaire du 802, il consacre le droit pour toute partie, incapable de se défendre seule, de faire appel à une personne instruite et capable[7].

Puis vinrent Saint Yves[8], l’avocat de Carpentras[9] et les avocats des pauvres, qui prêtent leur ministère à la veuve et à l’orphelin.

Depuis cette date, l’histoire de la profession est indissociablement liée à celle de son indépendance et de sa liberté d’expression.

Sous Philippe IV le Bel, une ordonnance de 1291, interdit déjà les propos injurieux et prescrit aux avocats de n’avancer que des faits exacts.

Comme l’écrit Lucien Karpik, « l’idéal de justice implique que les conseils des parties puissent formuler publiquement, et en toute indépendance, leurs prétentions réciproques. Il faudra du temps pour que cette libre parole bien qu’inscrite d’emblée dans la définition du métier, puisse se déployer »[10]. C’est que les avocats, à l’époque, sont avant tout des gens de cour et la noblesse supporte souvent mal leur liberté de parole[11].

La progression vers une plus grande indépendance sera lente, et d’ailleurs plus en province qu’à Paris. Dans les provinces belges, l’Ordonnance d’Albert et Isabelle pour le Conseil du Brabant du 13 avril 1604 énonce que l’avocat doit jurer de « porter en tous lieux et en toute circonstances honneur et révérence à Monsieur le Chancelier et autres seigneurs du Conseil…, servir loyalement et diligemment (ses) maîtres, … n’accepter et ne défendre aucune cause qu’(il) sait être mal fondée… ». Comme l’écrit Paul Martens, la référence à l’indépendance ne peut se lire qu’entre les lignes, lorsque l’avocat doit aussi promettre de « comporter toujours en bon, vrai et loyal avocat »[12].

Mais les idées progressent. La notion de personne émerge progressivement. Les lumières ne sont pas loin.

En 1693, le chancelier d’Aguesseau prononce son célèbre discours sur les avocats[13] :

« Dans cet assujettissement presque général de toutes les conditions, un Ordre aussi ancien que la magistrature, aussi noble que la vertu, aussi nécessaire que la justice, se distingue par un caractère qui lui est propre ; et seul entre tous les se états, il maintient dans l’heureuse et paisible possession de son indépendance. Libre sans être inutile à sa patrie, il se consacre au public sans en être l’esclave… »  .

 

  1. Le barreau au XVIIIe 

Le XVIIIe siècle sera celui de grands bouleversements pour la profession.

Prenant résolument pied dans la cité, les avocats s’impliquent ardemment dans les grands débats de l’époque.

Ils participent, aux côtés des magistrats, à l’opposition du Parlement à la bulle Ungenitus[14], que le premier ministre (et cardinal) Fleury souhaite, en 1730, imposer comme loi du Royaume. En 1732, trois magistrats sont arrêtés. L’ensemble du Parlement et du barreau se met aussitôt en grève. Fleury réagit par une déclaration de discipline (18 août 1732) qui restreint sévèrement les pouvoirs de la Cour souveraine. Nouvelle grève, négociations, accord partiel et paix provisoire.

Le 18 avril 1752, la Parlement reprend l’offensive. Il rend un arrêt de règlement qui interdit expressément le refus des sacrements aux jansénistes. L’arrêt est cassé et le Roi interdit toutes poursuites en la matière. Le Parlement refuse d’enregistrer ses lettres patentes. Nouvelles grèves, arrestations, exil de nombreux parlementaires et avocats. Cette fois, la grève dure seize mois ! Elle ne cesse, par une victoire totale du Parlement, qu’en septembre 1754.

Mais les hostilités reprennent en novembre 1755, lorsque le Parlement s’oppose à une nouvelle tentative du Roi de faire reconnaître la bulle Ungenitus. Il affirme l’ « indispensable nécessité de l’enregistrement au Parlement pour que quelque acte que ce puisse être acquière le caractère législatif ». La guerre des juges, déjà. En janvier 1757 , seize parlementaires sont exilés par lettres de cachet. Nouvelle grève des avocats, qui durera neuf mois, avant une nouvelle trêve.

Parallèlement, les avocats s’engagent aux côtés des paysans, qui contestent les privilèges seigneuriaux. A partir de 1730, les communautés paysannes entament une série de procédures pour obtenir l’annulation des prélèvements seigneuriaux, des inégalités en matière de propriété, etc. Les avocats appuient ces revendications, d’abord avec des arguments conventionnels (invitation faites aux seigneurs de produire leurs titres) mais ensuite en remettant en cause la philosophie même du système féodal. Il s’agit, progressivement, de proclamer les droits de la personne, de contester sa condition de sujet du Prince.

Si la grève est un moyen auquel les avocats recourront à plusieurs reprises, leur action se marque d’abord par des consultations publiques, généralement co-signées par de nombreux confrères.

Ces consultations collectives jouent un rôle considérable dans la lutte qui oppose les gallicans aux jansénistes. Certaines d’entre elles seront co-signées par la moitié du barreau, même si ce sont souvent les mêmes qui tiennent la plume : Aubry, Berroyer, Prévost, Cochin, de Marainberg …

Le barreau devient ainsi une force politique organisée. La consultation dite « des quarante » (parce qu’elle était signée par quarante avocats)(1730) affirme ainsi, notamment que « les lois sont de véritables conventions entre ceux qui gouvernent & ceux qui sont gouvernés », en précisant que le Roi est réduit à « ne pouvoir traiter que d’égal à égal, par forme de contrat avec ses sujets ».

Mais cette indépendance nouvellement affirmée sera aussi mise au service de causes individuelles. La deuxième moitié du siècle est marquée par une série de procès célèbres, au premier rang desquels l’affaire Calas. Calas était un négociant protestant, condamné à mort pour parricide par le Parlement de Toulouse. Il est exécuté en 1762. Voltaire en fait un symbole des dysfonctionnements de la justice de son temps. Il charge l’avocat Elie de Beaumont de rédiger des consultations publiques, co-signées par de nombreux autres avocats,  dans le but de développer des arguments en vue de la révision du procès. La critique est virulente et souvent ad hominem. En 1765, Calas est réhabilité.

D’autres affaires suivent le même canevas. L’affaire Cléreaux, jeune domestique chassée par son maître, un riche négociant de Rouen, qui l’accusait de vol et refusait de lui rendre ses maigres économies, en constitue l’archétype. C’est Maître Froudière qui assume sa défense. Il utilise les mêmes armes : consultations et mémoires publics. La défense de rupture est née. « Qu’est-ce que le juge ? », demande Falconnet : « la voix du souverain. Qu’est-ce que l’avocat ? La voix de la Nation »[15].

Le barreau s’est clairement affirmé comme un contrepouvoir.

Mais ce statut est lourd à porter, comme on le voit aujourd’hui[DP1]  encore, en d’autres lieu, où les avocats l’exercent au péril de leur vie, comme c’est le cas, par exemple, en Chine, au Viet Nam, au Pakistan, en Iran, en Syrie, au Zimbabwe ou au Mexique, pour ne citer que les pays qui alimentent le plus souvent les colonnes des sites de défense de la défense[16].

L’affaire Linguet va servir de détonateur.

Linguet est un jeune avocat particulièrement brillant, qui manie avec une grande aisance la provocation. Il s’est d’abord illustré en assumant la défense d’une jeune protestante, Marthe Camp, qui après avoir épousé le vicomte (catholique) de Bombelle est délaissée par celui-ci. Leur mariage avait été célébré par un pasteur protestant, le vicomte s’étant fait passer pour tel. Après que sa jeune épouse eut eu un enfant, il l’abandonne au profit d’une catholique, qu’il épouse devant curé. Marthe Camp tente de faire reconnaître la validité de son mariage. Le cas est évident. L’Edit de Nantes a été révoqué. Les protestants n’ont plus de statut légal. Sans prêtre catholique aucun mariage ne vaut. Linguet prend la cause et la porte devant l’opinion publique. Il publie des mémoires et utilise la presse, qu’il remplit d’échos au sujet du procès. Quand l’affaire vient devant la Grand’ Chambre, la foule prend le Palais d’assaut. La plaidoirie de Linguet est plusieurs fois couvertes par les applaudissements du public. Marthe Camp n’en perdra pas moins son procès, mais le vicomte de Bombelle est déshonoré à jamais.

Linguet utilise la même recette dans un litige qui oppose son client, le comte de Morangiès, à une famille de roturiers, les Véron qui lui réclament remboursement d’une somme de trois cent mille francs, qu’ils lui auraient prêtée. En 1773, Linguet osera publier des Réflexions sur le plaidoyer de Monsieur l’avocat général, qui font s’étrangler celui-ci, lequel demande la suppression du mémoire et la radiation de Linguet. La Cour ne suit pas. Linguet plaide et gagne.

Mais ses méthodes (ses excès ?) l’ont placé dans la ligne de mire de ses confrères. En 1773, Linguet est consulté par la marquise de Béthune dans un conflit qui l’oppose au marquis de Béthune, au duc de Lauzun et au maréchal de Broglie. Ceux-ci ont pris pour conseil un avocat célèbre, plus âgé et plus classique, Gerbier. Celui-ci, qui a perdu plusieurs affaires contre Linguet, tente d’écarter celui-ci de l’affaire, en invoquant divers arguments qui nous paraitraient aujourd’hui étranges. Gerbier obtient un avis favorable d’un comité ad hoc au début de l’année 1774. Linguet se déchaine, fait éditer à trois mille exemplaires des Réflexions pour Me Linguet, avocat de la comtesse de Béthune. « Si mon Ordre ne vient pas à mon secours, j’en appelle à la justice : si la justice… avait la faiblesse de se taire … j’en appellerais au public… », écrit-il[17].

L’Ordre estime que les bornes ont été dépassées. La radiation de Linguet est sollicitée. Il est amusant de relever que l’avocat général qui la soutiendra s’appelle Jacques de Vergès…

Une première « défense provisoire de communiquer » est annulée par le Parlement en janvier 1775. Mais le 3 février 1775, après une passe d’armes d’une virulence inouïe, l’assemblée générale du barreau (qui, il est vrai, sort d’une crise particulièrement grave – voyez le paragraphe suivant) vote la radiation par cent nonante-sept voix sur deux cent dix. Linguet a perdu.

Mais l’Ordre n’a pas gagné, et la liberté d’expression non plus. Dans un retentissant Appel à la postérité, Linguet le discrédite :

« Il existe en Europe … une société qui a le privilège de ne reconnaître aucune espèce de loi, ni de puissance, ni d’autorité, qui fait des procès à ses membres, sans rien écrire, sans rien constater, sans rien examiner, sans rien alléguer, qui les condamne à la mort civile et les exécute sans qu’il y ait aucune ressource pour éluder ses arrêts »[18].

 

  1. La révolution et l’abolition des barreaux

             

C’est dans ce contexte que le chancelier Maupéou, pour briser l’opposition répétitive de l’Ordre entreprend d’imposer une grande réforme.

Il s’agit de supprimer les offices et de créer un nouveau Parlement. L’opposition est vive. La grève est déclenchée.

Mais Maupéou rallie à sa cause Gerbier, qui entraine avec lui vingt-huit confrères, bientôt rejoints par deux cent soixante-deux autres. Sous la houlette du bâtonnier Lambon, le reste du barreau résiste. L’Ordre est paralysé. De 1770 à 1774, aucune élection n’est organisée, le tableau n’est plus dressé, la discipline n’est plus organisée.

Louis XVI finira par abandonner la réforme, mais c’est un barreau complètement divisé qui sort de cette épreuve. C’est le règne de l’individualisme. Les avocats y excellent d’ailleurs, comme on le verra en 1789, puisqu’ils seront, et de loin, la profession la plus représentée à la Constituante, puis à l’Assemblée législative.

Le 2 septembre 1790, dès le début de la révolution, avant même l’abolition des corporations par la loi Le Chapelier (14 juin 1791), l’Assemblée constituante dissous l’Ordre des avocats et bannit la notion même d’avocat :

« Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats, ne devant former ni ordre ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leur fonction » (article 10).

La défense sera dorénavant assurée par des « défenseurs officieux » ou « hommes de loi », qui ne doivent répondre devant aucune autorité disciplinaire.

Il est piquant de relever que ce vote, acquis à l’unanimité moins une voix, intervient sur la proposition d’un avocat, Bergasse[19], et que les avocats composent pourtant une bonne partie de l’assemblée (un tiers environ[20]). Il semble que les Ordres, assimilés, malgré les dénégations de leurs membres les plus éminents[21], aux corporations, aient été, aussi en raison de leurs luttes internes[22], emportés par l’abolition de toutes les institutions de l’ancien régime[23]. Exit le Parlement, exit l’Ordre. La robe disparaît.

Le barreau serait-il contraire aux droits de l’homme[24] ?

 

 

  1. Première tentative de restauration

Mais ce n’est pas pour très longtemps.  La nécessité de la défense est d’abord affirmée par le décret des 29 janvier et 20 mars 1791, qui institue par ailleurs les avoués :

« Il y aura auprès des tribunaux de district des officiers ministériels ou avoués, dont la fonction sera exclusivement de représenter les parties, d’être chargés et responsables des pièces et titres des parties, de faire des actes de forme nécessaires pour la régularité de la procédure, et mettre l’affaire en état. Ces avoués pourront même défendre les parties, soit verbalement, soit par écrit, pourvu qu’ils soient expressément autorisés par les parties, lesquelles auront toujours le droit de se défendre elles-mêmes verbalement et par écrit, ou d’employer le ministère d’un défenseur officieux pour leur défense, soit verbale, soit par écrit » (article 3)[25].

Très vite, la nécessité d’une profession dotée d’une déontologie, en la parole de laquelle les juges peuvent se fonder, apparaît comme une évidence. L’action des juridictions est véritablement paralysée par les défaillances des défenseurs officieux. Très vite, les anciens avocats sont priés de reprendre du service. Et l’on voit apparaître deux classes de défenseurs : les avocats du marais, d’une part, c’est-à-dire les anciens avocats, parmi lesquels Berryer, père et fils, et les autres.

Dès 1796, de nouvelles dispositions sont adoptées, qui font réapparaître les avocats[26]. La robe revient en 1802[27].

La loi du 13 mars 1804 reconnait le titre d’avocat : « Il sera formé un tableau des avocats près les Tribunaux » (art. 29).

Mais c’est à ce moment que Napoléon refuse de signer le projet de décret que lui soumet son cousin Cambacérès. « Ce sont des factieux », écrit-il. L’histoire récente ne lui donne pas  tort.

Les avocats se sont sabordés en 1790, dans un élan d’idéalisme un peu irraisonné, en jetant le bébé avec l’eau du bain. Il n’est pas si simple d’obtenir d’un dictateur que ce soit lui qui les rétablisse…

 

  1. La restauration des barreaux (1810-1811) – la domination hollandaise – l’indépendance belge

C'est donc Napoléon qui rétablit les avocats par sa loi du 13 mars 1804. Cependant, ces derniers ne représentent plus les parties et ne peuvent plaider, librement, qu’aux côtés d'un avoué, auxiliaire de justice.

Après bien des efforts, les anciens avocats obtiennent de Napoléon le rétablissement des barreaux et des Ordres d'avocats par le décret du 14 décembre 1810. L'Ordre se compose alors des anciens avocats qui avaient survécu à la Révolution[28] et de quelques défenseurs officieux.

La volonté de domination caractérisant le gouvernement impérial est particulièrement accentuée.

C’est au Procureur général qu’est confié le soin de nommer le Bâtonnier et les membres du conseil de l'Ordre[29]. Et « le grand juge », entendez le ministre de la Justice, a le pouvoir de rayer un avocat du tableau, sans même l’avoir entendu[30].

Conformément au décret, un tableau a été dressé dans toutes les villes comptant au moins vingt avocats[31].

Dans nos provinces, le premier tableau à Bruxelles est dressé le 13 juin 1811[32]. Il compte 174 noms (un chiffre qui représente moins de la moitié du nombre d’avocats au Conseil de Brabant à la fin de son existence, quinze ans plus tôt). Liège emboite le pas de Bruxelles dans les semaines qui suivent. Le bâtonnier Charles François Joseph de Warzée[33] préside le premier conseil de discipline le 12 septembre 1811.

Le statut des avocats à la barre est défini par les articles 37, 38 et 39 du décret du 14 décembre 1810 :

Article 37. « Les avocats exerceront librement leur ministère pour la défense de la justice et de la vérité ; nous voulons en même temps qu'ils s'abstiennent de toutes suppositions dans les faits, de toute surprise dans les citations, et autres mauvaises voies, même de tous discours inutiles ou superflus.

Leur défendons de se livrer à des injures ou personnalités offensantes envers les parties ou leurs défenseurs, d'avancer aucun fait grave contre l'honneur et la réputation des parties, à moins que la nécessité de la cause ne l'exige, et qu'ils n'en aient charge expresse et par écrit de leurs clients ou des avoués de leurs clients ; le tout à peine d'être poursuivis, ainsi qu'il est dit dans l'art. 377 du Code pénal ».

Article 38. « Leur enjoignons pareillement de ne jamais s'écarter, soit dans leurs discours, soit dans leurs écrits, ou de toute autre manière quelconque, du respect dû à la justice ; comme aussi de ne point manquer aux justes égards qu'ils doivent à chacun des magistrats devant lesquels ils exercent leur ministère ».

Article 39. « Si un avocat, dans ses plaidoiries ou dans ses écrits, se permettait d'attaquer les principes de la monarchie et les constitutions de l'Empire, les lois et les autorités établies, le tribunal saisi de l'affaire prononcera sur-le-champ, sur les conclusions du ministère public, l'une des peines portées par l'article 25 ci-dessus, sans préjudice des poursuites extraordinaires, s'il y a lieu.

Enjoignons à nos procureurs, et à ceux qui en font les fonctions, de veiller, à peine d'en répondre, à l'exécution du présent article ».

L’article 377 est donc introduit dans le code de 1810 :

« A l’égard des imputations et des injures qui seraient contenues dans les écrits relatifs à la défense des parties, ou dans les plaidoyers, les juges saisis de la contestation pourront, en jugeant la cause, ou prononcer la suppression des injures ou des écrits injurieux, ou  faire des injonctions aux auteurs du délit, ou les suspendre de leur fonction, et statuer sur les dommages et intérêts.

La durée de la suspension ne pourra excéder 6 mois : en cas de récidive, elle sera d’un an au moins et de cinq ans au plus.

Si les injures ou écrits portent le caractère de calomnie grave, et que les juges saisis de la contestation ne puissent connaitre du délit, ils ne pourront prononcer contre les prévenus qu’une suspension provisoire de leur fonction et les renverront, pour le jugement du délit, devant les juges compétents ».

Si la profession d’avocat est bel et bien rétablie, elle est donc aussi muselée par le pouvoir impérial. L’avocat ne peut se permettre de critiquer celui-ci, sous peine de sanctions sévères.

En 1815, sous le régime hollandais de Guillaume Ier, aucun grand changement n’intervient pour les avocats des neuf départements belges. L’article 163 de la nouvelle constitution de 1815 prévoyait que de nouveaux codes seraient introduits[34], mais les projets « hollandais » n’entreront jamais en vigueur. Hormis quelques petites adaptations, telle l’obligation pour tous les avocats de prêter à nouveau serment[35], la législation impériale a donc continué à régir les barreaux des Pays-Bas et est restée un instrument de pouvoir pour le Roi Guillaume Ier, perçu par les belges comme un despote.

Le Gouvernement néerlandais a, d’ailleurs, fait usage du décret napoléonien qui avait prévu la possibilité, pour le ministre de la Justice, de sanctionner un avocat. Maître Vanderstraeten, qui avait vivement critiqué le comportement les ministres de Guillaume dans un livre, intitulé : De l’état actuel des Pays-Bas (1819), fut emprisonné et mis au secret comme un criminel d’Etat.

Sept avocats[36] sont alors venus à son aide, surmontant leur crainte de ce pouvoir despotique, en signant une consultation de défense commune, dans laquelle on pouvait lire :

« L’article 227 de la loi fondamentale eût tendu un piège aux Belges animés par le patriotisme, si l’auteur d’un écrit rédigé dans le but d’utilité générale, mais qui attaque les actes ministériels en signalant leurs vices, était exposé à perdre la liberté et peut être la vie dans les angoisses d’une prison. L’habitude de sévir contre les hommes qui déplaisent aux puissants, de les emprisonner s’ils sont indigènes, de les exiler s’ils sont étrangers, anéantirait toutes les suretés du royaume ».

Ce texte leur valu une suspension et ils furent à leur tour emprisonnés par ordre du ministre de la Justice Van Maanen. La chambre d’accusation les déchargea de la plainte, mais leur suspension ne fut pas révoquée[37]. Il va de soi que ces sanctions ont laissé un douloureux souvenir aux avocats du Barreau de Bruxelles.

Nouvel incident en 1827, lorsque Van Maanen défendit un projet d’organisation judiciaire qui imposait la langue néerlandaise comme langue judiciaire, même pour les plaidoiries. Bien que beaucoup d’avocats des anciens conseils de justice brabançons et flamands parlaient le flamand, la langue française était, au XVIIIe siècle déjà, la langue de l’élite et ils avaient pris l’habitude, héritée de l’ancien régime, de l’utiliser pour les affaires judiciaires[38].

Bien que l’intérêt des Barreaux ait été directement en jeu, les avocats bruxellois n’ont, dans un premier temps, que très peu protesté, car à leurs yeux, Van Maanen était un dictateur dont on ne pouvait braver les volontés[39].

Il n’en alla cependant pas ainsi en Wallonie, et particulièrement à Liège. Les avocats liégeois ont été les opposants les plus virulents de la politique linguistique de Guillaume Ier et de son ministre de la Justice. Celui-ci se plaint, en 1829, de l’esprit d’opposition des avocats méridionaux qui, « au lieu d’être un des principaux piliers du bâtiment étatique, nuisent autant aux institutions que ce bâtiment risque de tomber en ruine »[40]. Les avocats ne se plièrent donc pas à cette législation, au contraire des magistrats.

C’est le 25 juillet 1830 que le conseil de discipline bruxellois se réunit pour la dernière fois sous le régime néerlandais. Alexandre Gendebien est nommé bâtonnier au cours de cette réunion. Il sera l’un des acteurs politiques de ces mois révolutionnaires[41].

 

  1. La révolution belge et l’émancipation du barreau (1836)

Et c’est la révolution !

A Liège, les avocats forment la colonne vertébrale de la contestation. Dix[42] d’entre eux deviendront d’ailleurs membres du Congrès national[43] : Jean-Joseph Raikem[44], Louis-Joseph Lebeau[45], Charles Rogier[46], Etienne Constant de Gerlache[47], Jacques Fleussu[48], Hyacinthe Cartuyvels[49], Laurent Dethier[50], Henri Dewandre[51], Paul Devaux[52] et Joseph Forgeur[53].

Dans la capitale, les avocats agissent de manière proactive. Ils lancent via la presse, en totale infraction à la législation impériale toujours en vigueur, une convocation pour une assemblée générale extraordinaire, à tenir le 7 avril.

Le procureur général Van Meenen écrit au dernier bâtonnier nommé, Van Volxem, pour s’opposer à cette action spontanée, bien qu’estimant que « le décret du 14 décembre 1810 est sans doute en bien des points peu en harmonie avec l’esprit de nos nouvelles institutions, avec l’indépendance et la considération dues à la profession d’avocat », mais rappelant que « le Gouvernement doit faire exécuter » les lois existantes[54].

Passant outre cet avertissement, les avocats décident, par scrutin majoritaire, que l’existence d’un Ordre des avocats n’est pas contraire à l’article 6 de la Constitution[55]: « L’assemblée est unanimement d’avis que l’Ordre des avocats a incontestablement le droit qui appartient à tous les Belges de s’assembler librement sans autorisation préalable et de délibérer sur les intérêts qui le concernent. Qu’à cet égard l’abrogation des dispositions prohibitives du décret ne saurait présenter aucun doute. L’assemblée pense encore qu’on ne saurait regarder comme existante la disposition despotique qui met à la discrétion d’un ministre la profession et l’existence d’un avocat »[56]. Ils décident en outre, par un vote et « en attendant que le législateur y ait pourvu », d’élire un conseil de discipline de quinze avocats dont le plus âgé des élus sera bâtonnier (Defrenne), le plus jeune secrétaire (Jottrand).

Ce nouveau conseil, se réunissant une semaine plus tard, décide, à l’unanimité, d’envoyer une copie de ses procès-verbaux aux autres barreaux belges. La semaine suivante, il décide d’établir un tableau.

Dans les mois qui suivent, le conseil règlera l’admission au stage[57] et adoptera les statuts de l’association des avocats du barreau de Bruxelles[58].

Deux années après le début de la révolution belge et une année après l’installation du premier Roi, le barreau de Bruxelles s’est donc fait son propre législateur. Bien que les autres barreaux belges n’aient pas agi de la même façon explicite, là aussi les demandes d’une réforme de la réglementation napoléonienne étaient souvent répétées.

Hormis Bruxelles, le centre judiciaire le plus important était Liège, seule autre ville belge où il y avait aussi une cour d’appel. La loi organique sur l’organisation judiciaire de 1832 crée la cour d’appel de Gand. Un premier tableau d’avocats y est établi en 1834[59]. Toutes ces réorganisations conduisent à une adaptation réglementaire en 1836.

L’étape suivante dans l’itinéraire historique des barreaux belges est en effet l’arrêté royal du 5 août 1836[60], qui modifie le décret napoléonien. Il reproduit en grande partie le décret de 1810, mais en modifie quelques articles cruciaux, en premier lieu en abrogeant la nomination du bâtonnier et des membres du conseil de discipline par le procureur général et en limitant le pouvoir du ministre de la Justice[61].

Ces nouvelles règles sont applicables à tous les avocats des barreaux belges, comme –mutatis mutandis – aux avocats des petits[62] arrondissements, où le tribunal de première instance continue à arbitrer les litiges de déontologie.

 

  1. L’immunité de plaidoirie

À cette époque, l’immunité de plaidoirie est toute relative.

La liberté de plaidoirie fut d’abord matérialisée par le port de la robe et de la toque[63]. L’article 35 du Décret du 14 décembre 1810 énonçait en effet que :

« Les avocats porteront la chausse de leur grade de licencié ou de docteur ; ceux inscrits au tableau seront placés dans l'intérieur du parquet.

Ils plaideront debout et couverts; mais ils se découvriront lorsqu'ils prendront des conclusions, ou en lisant des pièces du procès ».

Les articles 37, 38 et 39 du décret du 14 décembre 1810 sont restés applicables tant sous le régime hollandais qu’après l’indépendance belge.

L’avocat revendique, à cette époque, une égalité absolue avec le Ministère public dans les audiences pénales. Gustave Duchaine et Edmond Picard écrivent que l’avocat « ne se croit pas affranchi du devoir de respecter toujours et en tous lieux ces importants adversaires ; mais ce respect que la bienséance lui impose, la bienséance l’impose réciproquement à son égard »[64].

Se pose dès lors la question des limites de l’immunité de plaidoirie.

L’avocat se doit de défendre son client mais sans partager l’emportement de celui-ci. Il doit se mettre en retrait par rapport aux passions du client. Il doit tenter de départir le vrai du faux des dires de son client, et ne rapporter que les faits utiles à la cause qu’il a mandat de défendre.

Si cette analyse est faite avec honnêteté, l’avocat ne risque rien. Si le client a été malhonnête et a dupé son conseil, c’est lui qui doit être sanctionné.

Si, par contre, l’avocat n’a pas fait preuve d’assez d’indépendance par rapport à son client qu’il a été trop faible pour résister aux exigences de celui-ci, il sera personnellement responsable. De même s’il est pris d’un élan trop téméraire lors de sa plaidoirie.

Les Tribunaux devront alors exercer leur pouvoir de sanctionner les fautes commises à leurs audiences à l’instant même où la faute se produit. L’instruction de l’affaire qui occupe l’audience sera en conséquence suspendue[65].

En tout état de cause, la calomnie ne peut être sanctionnée que si elle est méchante.

Ainsi, le Tribunal correctionnel de Bruxelles juge : « Celui qui, en exécution de sa mission dans une défense en justice, articule des faits calomnieux pour la partie adverse ne se rend pas coupable de calomnie, lorsqu’il n’a point méchamment excédé les limites du droit de défense »[66].

Si la calomnie ou l’injure envers la partie adverse n’ont pas excédé les droits de la défense et ont été nécessitées par les besoins de la cause, l’avocat ne sera pas plus sanctionné[67].

Même l’article 39 du décret de 1810 est tempéré par la Cour de cassation : « Les lois comme les institutions entrent dans le domaine de la libre discussion. Les avocats peuvent donc les apprécier et les combattre, pourvu que les attaques dirigées contre elles soient relatives à la cause. Toutes attaques méchantes en dehors des nécessités du procès tomberaient sous l’application de l’art.39 du décret de 1810, non encore aboli, mais simplement modifié »[68].

Un tournant va être pris en la matière en 1867, lors de l’adoption du nouveau Code pénal, et plus particulièrement de son article 452 :

« Les discours prononcés et les écrits produits devant les tribunaux ne donnent lieu à aucune poursuite répressive lorsque ces discours ou ces écrits sont relatifs à la cause ou aux parties.

Néanmoins, les juges pourront, soit d’office, soit sur la demande de l’une des parties, prononcer la suppression des écrits calomnieux, injurieux ou diffamatoires.

Les juges pourront aussi, dans le même cas, faire des injonctions aux avocats et officiers ministériels, ou même ordonner des poursuites disciplinaires.

Les imputations ou les injures étrangères à la cause ou aux parties pourront donner lieu soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties ou des tiers ».

Bien que ce texte, inspiré de la loi française du 17 mai 1819, reste proche du libellé de l’ancien article 377, qu’il remplace, il y apporte une modification fondamentale : il supprime les sanctions de droit commun et, a fortiori, les sanctions pénales.

Le code pénal consacre donc lui-même l’immunité de plaidoirie de l’avocat, tout en laissant aux juges un droit de censure et d’injonction.

 

  1. Le code judiciaire

Le code judiciaire de 1967 va apporter les dernières modifications au régime de l’immunité de plaidoirie.

Tout d’abord, Il emporte modification de l’article 452 du code pénal :

« Ne donneront lieu à aucune poursuite répressive les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux, lorsque ces discours ou ces écrits sont relatifs à la cause ou aux parties.

Les imputations calomnieuses, injurieuses ou diffamatoires étrangères à la cause ou aux parties pourront donner lieu soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties ou des tiers ».

Les articles 444 et 445 du code judiciaire complètent ce nouveau régime :

Art. 444 : « Les avocats exercent librement leur ministère pour la défense de la justice et de la vérité.

Ils doivent s'abstenir d'avancer aucun fait grave contre l'honneur et la réputation des personnes à moins que la nécessité de la cause ne l'exige et sous la réserve des poursuites disciplinaires et de l'application de l'article 445, s'il y a lieu ».

Art. 445 : « Si un avocat, dans ses plaidoiries ou dans ses écrits, attaquait méchamment la Monarchie, la Constitution, les lois du peuple belge ou les autorités établies, le tribunal ou la cour qui connaît de l'affaire pourrait faire dresser procès-verbal par le greffier et saisir de l'incident le conseil de l'Ordre dont relève l'intéressé ».

On soulignera d’abord que, avec cette nouvelle rédaction, le juge perd non seulement son pouvoir de suppression des écrits jugés calomnieux, mais également son pouvoir d’injonction.

Dans son rapport, le Commissaire royal remarque que « si les travaux de la justice ne peuvent s’accomplir que dans le calme et la dignité, l’indépendance du Barreau est, elle aussi, une condition essentielle du fonctionnement normal des institutions judiciaires.

Il est donc logique qu’une censure ne soit pas exercée par le juge, en raison, et lors de l’activité professionnelle des membres du Barreau.

Si des fautes sont commises par ceux-ci, c’est aux autorités disciplinaires qu’il appartient d’apprécier l’existence ou la gravité dans les formes et selon les recours que le projet organise »[69].

 

  1. Aujourd’hui : principes et applications

Après toutes ces évolutions historiques, quel est le régime applicable aujourd’hui ?

  1. Au prétoire[70]
  1. Qui est immunisé ?

Il faut distinguer plusieurs catégories d’immunités : l’immunité pénale, l’immunité civile et l’immunité disciplinaire.

  • Immunité pénale

C’est donc l’article 452 du Code pénal qui détermine le régime de l’immunité pénale. Il protège de manière certaine les parties elles-mêmes, les avocats, mais aussi les autres défenseurs en justice (les syndicats, les parents ou conjoints).  Les magistrats du ministère public sont également concernés [71].

En revanche, les experts et les témoins ne sont pas protégés par l’article 452, comme le décide la Cour de cassation le 10 mars 1992 : « Attendu que l’immunité prévue à l’article 452 du code pénal vise l’exercice des droits de la défense devant les cours et tribunaux, quelle s’applique dès lors uniquement à l’égard des discours prononcés ou des écrits produits devant le tribunal par les parties en cause »[72].

Notons qu’en France, les témoins sont également protégés par l’article 23 du code pénal de 1819, pourtant rédigé dans les mêmes termes que notre texte[73].

  • Immunité civile

L’article 452 du code pénal ne visant que l’action répressive, il laisse ouverte la possibilité d’agir civilement contre l’auteur de la calomnie.

Cependant, l’article 444 du code judiciaire protège l’avocat, et uniquement celui-ci, de cette action civile, les autres défenseurs ainsi que les parties n’étant quant à eux pas immunisés.

Cela signifie que si des conclusions déposées par l’avocat ont un caractère calomnieux, la partie qui a donné mandat à l’avocat pourrait se voir condamner civilement[74]. Ce n’est pas le cas lorsque l’injure est faite lors de la plaidoirie de l’avocat.

La partie condamnée pour calomnies contenues dans les conclusions de son avocat aura toutefois une porte de sortie, comme l’explique le bâtonnier François Glansdorff, en se retournant contre son conseil pour le désavouer (articles 848 et s. du code judiciaire), mais aussi pour être garanti par lui, au moins lorsque les conclusions injurieuses n’ont pas été approuvées[75].

En ce qui concerne la procédure elle-même, c’est le tribunal saisi de la cause qui est compétent. C’était déjà ce que les travaux préparatoires du code pénal de 1867 prévoyaient, et la Cour d’appel de Bruxelles l’a confirmé dans un arrêt du 23 février 1955[76].

C’est toujours, à l’heure actuelle, le Tribunal saisi de la cause qui statuera, en même temps qu’il statue sur le fond, qui a la compétence exclusive pour statuer sur les dommages et intérêts. On notera cependant que c’est le cas de l’immunité contenue dans l’article 452, alinéa 1er du code pénal. En effet, si l’on se trouve dans le cas de figure de l’alinéa 2 du même article, soit quand il n’y a pas d’immunité pénale, ce sont les juridictions habituelles qui connaitront de la cause.

Il va sans dire que cette règle de compétence peut porter à discussion ; comme l’écrit bien Bernard Vanham, « le juge pris à partie n’est évidemment pas impartial. Le juge témoin l’est-il ? »[77].

  • Immunité disciplinaire

Les articles 444, alinéa 2, et 445 du code judiciaire font référence à des poursuites disciplinaires et ce, même dans des cas d’application de l’immunité civile (lorsque la nécessité de la cause l’exige).

Il n’y a donc pas d’immunité disciplinaire. Le Tribunal peut, dans le cadre de l’article 445, saisir l’autorité disciplinaire de l’avocat.

 On ne trouve guère de jurisprudence disciplinaire à ce sujet[78].

Voilà pour ce qui concerne les différentes immunités.

Nous verrons cependant que la Cour européenne des droits de l’homme ne fait pas la distinction entre ces trois immunités (pénale, civile et disciplinaire).

  1. A l’égard de qui est-on immunisé ?

Tant le code judiciaire que le code pénal visent les atteintes (portées) à l’honneur ou à la réputation (à la considération) des « personnes ». Aucune distinction n’est donc faite entre les immunités civile et pénale.

La jurisprudence a défini les contours du destinataire de la calomnie.

La Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 24 mars 1873[79], que  l’article 452 du code pénal ne couvrait pas d’impunité les outrages adressés au ministère public par le conseil du prévenu.

Elle a complété sa position, par un jugement du 25 septembre 1950[80], en refusant l’application du même article 452 aux outrages proférés contre un magistrat de l’ordre judiciaire ou administratif.

En réalité, l’important est de déterminer si l’injure est en rapport avec la cause ou si elle est personnelle à son destinataire, que ce soit l’avocat, le magistrat ou le ministère public.

La détermination de cette condition a fait l’objet de plusieurs commentaires jurisprudentiels ou doctrinaux.

Dans une analyse précédente[81], nous observions que la Cour européenne des Droits de l’Homme a réaffirmé le droit pour les avocats d’émettre, au cours de leurs plaidoiries, des critiques tant contre les magistrats du parquet que contre ceux du siège[82], à condition que celles-ci restent dans un rapport de proportion raisonnable avec les nécessités de la défense (est-ce dire autre chose qu’elles doivent être conformes aux principes déontologiques qui gouvernent la profession ?).

Dans l’affaire Nikula/Finlande[83], le procureur général avait cité une personne (S.S.) à comparaître comme témoin, mais l’avocate Nikula et les autres avocats de la défense s'y opposèrent au nom de leurs clients. Maître Nikula lut devant le tribunal, et remit à celui-ci, un mémoire intitulé « Manipulation et présentation illégale de preuves » où elle faisait notamment valoir ce qui suit :

« (...) l'accusation cherche à dissimuler le fait que S.S. (...) était (...) président du conseil de direction de la société en question. (...)

L'abus flagrant commis dans la présentation des preuves doit conduire le tribunal à rejeter ces preuves. (...)

Les dispositions prises par le procureur montrent que, par le biais d'une tactique procédurale, il s'efforce de transformer un coaccusé en témoin afin d'étayer l'inculpation. Afin d'empêcher l'inculpé de soumettre des éléments de preuve sur ces points, le procureur, dans la même affaire, a inventé des chefs d'accusation à l'encontre d'une personne qui remplirait les conditions pour être témoin. (...) Pareil abus de pouvoir délibéré de la part d'un représentant de l'autorité est un phénomène tout à fait inhabituel dans un pays régi par l'état de droit.

En ce qui concerne notamment la tactique procédurale adoptée par le procureur en l'espèce, c'est-à-dire deux cas de manipulation dans une seule et même affaire, je soutiens que la Cour suprême de Norvège a condamné une forme atténuée de manipulation de cette sorte. Ce précédent concernait un comportement illégal comparable à celui adopté par le procureur en l'espèce (...)

En l'occurrence, le procureur s'est livré à des manipulations, méconnaissant ainsi les devoirs de sa charge et mettant en péril la sécurité juridique (...) »

Le procureur rapporta les déclarations prononcées le 2 février 1993 par Maître Nikula à l'avocat général près la cour d'appel en vue d'une éventuelle inculpation pour diffamation. Celui-ci considéra que celle-ci était coupable de diffamation, mais décida de ne pas l'inculper de ce chef au motif que l'infraction était mineure.

Usant de son droit d'intenter des poursuites à titre privé, le procureur T. engagea néanmoins une procédure pénale contre Maître Nikula, devant de la cour d'appel. Celle-ci reconnut Maître Nikula coupable de diffamation publique « simple », c'est-à-dire de diffamation par négligence. Maître Nikula se vit infliger une amende de 4 260 marks finlandais (FIM) (716 euros (EUR)). Elle fut également condamnée à payer 3 000 FIM (505 EUR) de dommages-intérêts à T. et 8 000 FIM (1 345 EUR) en remboursement des frais encourus par lui (ces deux sommes étant majorées d'un intérêt de 16 %), ainsi que 300 FIM (50 EUR) en remboursement des frais exposés par l'Etat.

Tant T. que la requérante saisirent la Cour suprême, qui confirma la motivation de la cour d'appel mais annula la condamnation de la requérante, estimant que l'infraction revêtait un caractère mineur. En conséquence, elle supprima l'amende mais confirma l'obligation pour la requérante de verser des dommages-intérêts.

L’avocate décida donc de saisir la Cour européenne pour la violation de l’article 10 de la C.E.D.H.

La Cour devait déterminer, eu égard à l’ensemble des circonstances, si la restriction qui a touché la liberté d’expression de Maître Nikula répondait à un besoin social impérieux et était proportionné au but légitime visé (considérant n° 47).

Elle décida que « les critiques de l’intéressée portaient uniquement sur la manière dont T. s’était acquitté de ses fonctions de procureur dans l’affaire dirigée contre le client de l’avocate, et non sur les qualités professionnelles ou autres de T. en général. Dans ce contexte de procédure, T. devait tolérer des critiques très larges de la part de la requérante en sa qualité d’avocate de la défense  » (n° 51).

En revanche, la Cour rejeta l’argument de la requérante selon lequel la liberté d’expression de l’avocat de la défense devait  être illimitée (n° 49).

Le fait que les arguments de Maître Nikula ne soient pas sortis de la salle d’audience n’était pas sans importance. Les critiques ne constituaient pas, non plus, une insulte personnelle, car elles revêtaient un caractère procédural. On notera que, dans d’autres arrêts dans lesquels un avocat avait qualifié l’avis d’un juge de « ridicule », ou  avait indiqué que le procureur avait rédigé l’acte d’accusation « alors qu’il était totalement ivre », la solution avait été différente[84].

Le critère de la Cour européenne des droits de l’homme est donc le suivant : l’outrage est-il une injure personnelle ou est-il en lien avec la conduite du procès ? Il faut distinguer ce qui est  nécessaire à l’exercice des droits de la défense et ce qui les dépasse.

La Cour va confirmer cette analyse dans son arrêt Kyprianou/ Chypre[85].

Maître Kyprianou, avocat en exercice depuis plus de quarante ans, défendait un homme accusé de meurtre devant la cour d'assises de Limassol. D'après lui, alors qu'il menait le contre-interrogatoire d'un témoin à charge, la Cour l'interrompit après qu'il eut posé une question au témoin. Maître Kyprianou affirme s'être senti insulté et avoir demandé l'autorisation de se retirer de l'affaire.

Dans ses observations écrites, le Gouvernement déclare que la cour fit une intervention de routine, une simple remarque polie concernant la manière dont Maître Kyprianou menait le contre-interrogatoire du témoin. Le requérant aurait alors immédiatement déclaré, sans permettre à la cour d'aller au bout de la remarque, qu'il allait s'interrompre et il aurait refusé de reprendre le contre-interrogatoire.

Il aurait par ailleurs déclaré : « Et je suis désolé de dire que pendant que je menais le contre-interrogatoire, les membres de la cour étaient en train de parler entre eux et de s'envoyer des « ravassakia » (mot qui semble signifier à la fois « apartés » mais aussi « billets doux ») ; dans ces conditions, je ne peux pas poursuivre le contre-interrogatoire avec la fermeté requise, si la cour me surveille en secret ».

La cour estima que les propos que Maître Kyprianou venait de tenir, et en particulier la manière dont il s'était adressé à la cour, constituaient un contempt of court.

Après une courte pause, la cour d'assises, à la majorité, condamna Maître Kyprianou à cinq jours d'emprisonnement. Il fut dès lors incarcéré et conduit sur le champ à la prison.

Il saisit la Cour suprême d'un recours, qui fut rejeté. Il introduit donc un recours devant la Cour européenne, qui décida qu’« à l’évidence, tout avocat, lorsqu’il défend un client en justice, en particulier dans le cadre de procès contradictoires au pénal peut se retrouver dans la situation délicate de devoir décider s’il doit ou non s’opposer à l’attitude du tribunal ou s’en plaindre, tout en gardant à l’esprit les intérêts de son client. Il est inévitable que l’infliction de peine d’emprisonnement à un avocat emporte, par sa nature même, un effet dissuasif, non seulement sur l’avocat concerné lui-même mais aussi sur la profession dans son ensemble » (n° 175).

Elle ajouta que : « bien que discourtois, les commentaires de l’intéressé portaient uniquement sur la manière dont les juges conduisaient l’instance » (n° 179) ;

Cette peine infligée à Maître Kyprianou était d’une gravité disproportionnée et de nature à produire un effet dissuasif sur les avocats dans les situations où il s’agit pour eux de défendre leurs clients (n° 180).

Dans leur analyse de cet arrêt, Luc Misson et Lionel Kaëns estiment qu’ « en fait, il apparaît que l'infraction pénale citée et l'infraction disciplinaire sont placées sur un pied d'égalité, pour autant qu'elles soient assimilables à une ingérence dans la liberté d'expression. La licéité de cette ingérence pourrait donc faire à chaque fois l'objet d'un contrôle »[86].

  1. Quand un avocat est-il immunisé ?

En ce qui concerne l’immunité pénale, l’article 452 vise les discours prononcés et les écrits produits « devant les tribunaux », que ce soit des juridictions judiciaires, administratives, arbitrales[87] ou même disciplinaires.

Les écrits produits à l’audience sont protégés, mais pas s’ils sont transmis à des tiers. Il n’en est pas de même en ce qui concerne les discours prononcés dans la salle d’audience, mais hors audience[88]. On relève aussi des décisions, françaises il est vrai, qui excluent du champ de l’immunité les écrits ou déclarations adressés à un expert, fût-il désigné judiciairement[89], à la presse au sortir du prétoire[90] ou devant un bureau d’assistance judiciaire[91].

L’immunité civile, quant à elle, est acquise à l’avocat « lorsque la nécessité de la cause l’exige », en vertu de l’article 444 du Code judiciaire.

Nous y reviendrons de manière plus détaillée[92].

  1. Pour quoi est-on immunisé ?

L’article 452 du Code pénal parle des discours « relatifs à la cause ou au parties », tandis que l’article 444 du Code judiciaire immunise l’avocat lorsque « la nécessité de la cause ne l'exige ».

Ce sont les juges qui apprécient souverainement si les discours prononcés ou les écrits produits sont relatifs à la cause ou non[93], d’où une inéluctable subjectivité.

Dans son excellente contribution, Bernard Vanham cite un arrêt de 1877 qui illustre bien cette problématique[94] :

Un homme, poursuivi devant le tribunal correctionnel pour une banqueroute simple, et interrogé par le ministère public à propos des nombreuses punitions qui lui avaient été infligées pendant son service militaire, s’était justifié en disant que c’était parce qu’il courtisait la maîtresse de son colonel.

L’individu fut poursuivi pour diffamation, le colonel, devenu entre-temps général, s’étant constitué partie civile.

Le Tribunal de Louvain jugea : « attendu que dans l’espèce, les imputations incriminées sont une réponse directe aux interpellations du ministère public ; qu’elles constituent une défense, bonne ou mauvaise, du prévenu contre les incriminations qui avaient légitimement pour but d’aggraver sa position, qu’elles sont donc relatives à la cause… ».

La Cour d’appel, saisie par le ministère public et le général, décida toutefois que : « les propos ne sont relatifs ni à la cause qu’il s’agissait de juger, ni aux parties, puisque l’objet de la poursuite à  examiner était une incrimination de banqueroute simple et le général C. n’était pas partie ! ».

La jurisprudence de la Cour européenne éclaire la portée de l’article 10 de la Convention.

Généralement, l’insulte est considérée comme étant extérieure à la cause, puisqu’elle est personnelle[95], mais ce n’est pas toujours le cas..

Ainsi,  un avocat plaidant en assises, avait qualifié un enquêteur, alors entendu comme témoin, de « tordu » : la Cour avait décidé que cela constituait une critique relative à la cause, même si elle était particulièrement acerbe[96].

En revanche, la Cour de cassation de France rejette, le 24 mars 2008, le pourvoi interjeté par un avocat lillois contre un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens qui, statuant au disciplinaire, lui avait infligé la peine (disciplinaire) de l’avertissement parce qu’il avait manqué à la délicatesse en tenant, à l’égard d’un conseiller à la Cour d’assises, à l’issue d’une audience de la Cour d’assises, dans le bureau du président de cette cour, les propos suivants : « Je ne vous supporte plus… j’en ai assez de vous voir. Vous me gonflez avec votre sourire en coin. Vous serez responsable de ce gâchis. Ce que vous avez fait est dégueulasse. Je regrette de ne pas avoir, lorsque vous étiez à Lille, déposé plainte contre vous ».

La Cour considère qu’il s’agit là de « propos adressés ad hominem et manifestant exclusivement une animosité personnelle, sans traduire une idée, une opinion ou une information susceptible d’alimenter une réflexion ou un débat d’intérêt général », si bien que ces propos « ne relèvent pas de la protection du droit à la liberté d’expression prévue à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ». « De tels propos, tenus par un avocat », conclut-elle, «sont constitutifs d’un manquement à la délicatesse et entrent comme tels dans les prévisions des textes régissant spécialement la discipline de la profession »[97].

De même, la Cour de cassation de France rejette, le 14 octobre 2010, le pourvoi dirigé par un avocat parisien contre une décision de la Cour d’appel de Paris du 25 juin 2009 qui le condamne (au disciplinaire) pour avoir accusé des magistrats instructeurs (français) de s’être associés et, même, d’avoir « favorisé » et « encouragé » les actes de tortures perpétrés par les services de renseignement syriens sur son client, les accusant de « délocalisation judiciaire de la torture », alors même que les magistrats français avaient décrits les difficultés rencontrées auprès des autorités syriennes, qui s’étaient opposées à ce qu’elles assistent aux interrogatoires, ce qui avait amené la juridiction de jugement, par un premier arrêt interlocutoire à écarter ces déclarations.

La Cour de cassation relève que « ces graves accusations étaient aussi inutiles au regard des intérêts du client que gratuites … que les propos litigieux ne relevaient pas de la protection de la liberté d’expression, amis constituaient un manquement à l’honneur et à la délicatesse »[98]/[99].

En revanche, la Cour d’appel de Paris jugera que les propos d’un avocat « Je ne vous écoute même pas, je ne peux pas rester ici à plaider devant une justice colonialiste… » ne pouvaient s’interpréter comme une attaque spécifiquement dirigée contre les membres d’une juridiction dans l’intention de les outrager mais comme une critique d’ordre général du fonctionnement de la justice, participant, en tant que telle, de l’exercice des droits de la défense[100].

On remarquera donc que les contours de ce critère de relativité à la cause ne sont pas univoques. Ils sont susceptibles de s’élargir en fonction des différents cas concrets.

 

  1. En dehors du prétoire[101]

Nous avons donc tenté de définir les contours de l’immunité de plaidoirie de l’avocat dans le prétoire. Se pose évidemment la question de sa protection en dehors du prétoire.

Il paraît illusoire, aujourd’hui, qu’un avocat entende limiter son intervention à la seule sphère judiciaire. La défense s’exerce aussi, et parfois, surtout, dans les médias, qui jouent le rôle d’une sorte de pilori des temps présents. Est-il alors protégé ? Peut-il critiquer la Justice et son fonctionnement ?

En 1998, la Cour de Strasbourg avait énoncé que « le statut spécifique des avocats les place dans une situation centrale dans l’administration de la justice, comme intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux, ce qui explique les normes de conduite imposées en général aux membres du barreau »[102], pour légitimer une condamnation prononcée par les juridictions suisses contre un avocat qui avait cru pouvoir critiquer ouvertement des magistrats par voie de conférence de presse de façon injurieuse. Mais en 2002, en revanche, elle a admis que « ce n'est … qu'exceptionnellement qu'une limite touchant la liberté d'expression de l'avocat de la défense – même au moyen d'une sanction pénale légère – peut passer pour nécessaire dans une société démocratique[DP2]  »[103].

Le texte phare en la matière est l’article 10 de la C.E.D.H. qui énonce que : «Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ».

Si la liberté d’expression est interprétée de manière très large par la Cour quand l’avocat s’en sert dans le prétoire[104], son appréciation est plus restrictive lorsque l’avocat se trouve en dehors de celui-ci. Notons cependant que la Cour ne distingue généralement pas que l’avocat soit à la barre ou non, mais ce fait influence grandement son analyse.

Elle se fie à trois critères pour déterminer s’il y a, ou non, violation des principes consacrant la liberté d’expression : elle examine la finalité de la restriction de la liberté d’expression, sa légalité et, enfin, sa proportionnalité.

Parmi les finalités généralement invoquées qui peuvent justifier une restriction de la liberté d’expression consacrée par l’article 10, § 2, de la C.E.D.H. , on retrouve la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire[105], la protection de la réputation ou des droits d’autrui, voire, mais plus rarement, la protection de l’ordre public.

Généralement, le critère de la légalité ne pose pas de problème, puisque la restriction est prévue par une loi, voire une règlementation ordinale.

Le critère décisif est donc celui de la proportionnalité de la mesure restrictive de la liberté d’expression. Généralement, la Cour s’interroge également sur la question si l’avocat avait la possibilité de s’exprimer autrement et, donc, pose la question de l’impact de son intervention.

Plus d’une fois, la Cour a jugé qu’une restriction résistait à ce test de  proportionnalité.

Ce fut le cas dans l’affaire Zihlmann contre Suisse[106], dans laquelle l’avocat, qui avait, par communiqué de presse, virulemment critiqué le ministère public et la justice à l’occasion d’un dossier où son client était retenu depuis 5 ans dans le cadre d’une longue instruction, avait été condamné disciplinairement. La Cour a estimé que les règles déontologiques l'obligeaient à faire preuve d’une certaine retenue dans ses déclarations publiques, plus précisément en se montrant objectif et en utilisant une formulation neutre.

On rappellera qu’il en fut de même, dans l’arrêt Schöpfer contre Suisse, précité[107].Dans ce dossier, l’avocat avait été condamné à une amende de 500 francs suisses pour avoir adopté un comportement peu compatible avec la contribution que les avocats doivent apporter à la confiance du public dans la justice[108]. En effet, lors d’un procès pénal, les greffiers avaient déconseillé à l’épouse du prévenu de poursuivre sa collaboration avec Maître Schöpfer. Celui-ci réagit en s’attaquant directement, par voie de presse, à la préfecture de Hochdorf, en affirmant que les lois cantonales et les droits de l’homme étaient, depuis des années, violés au plus haut point, déclarant notamment que les journalistes constituaient son ultime recours. La Cour fit remarquer que Maître Schöpfer avait d’abord attaqué publiquement le fonctionnement de la justice à Hochdorf puis intenté un recours légal qui s’est avéré efficace quant au grief dont il s’agit et que, dès lors, la sanction qui lui avait été infligée n’était pas disproportionnée par rapport aux buts légitimement poursuivis.

Relevons encore l’affaire Coutant contre France[109] : ici, une avocate avait dénoncé, toujours par voie de communiqué de presse, « l’infamie des procédés employés par les sections spéciales de la justice française, sous prétexte de lutte anti-terroriste ». Condamnée pour délit de diffamation publique envers une administration publique à une amende de 30.000 francs français (environ 4.575 euros), réduite à 10.000 FRF (environ 1.525 €), elle introduisit un recours devant la Cour européenne. Celle-ci déclara la requête irrecevable au motif que, outre la gravité des propos et la voie choisie pour les diffuser, « […] les propos litigieux, diffusés à l’extérieur de l’enceinte judiciaire, ne constituaient pas une « défense » au sens procédural, exercée devant un tribunal […] ». La Cour rappellera ensuite que cette affaire ne pouvait pas être comparée à l’affaire Nikula « dans la mesure où les critiques de celle-ci à l’égard d’un procureur « n’étaient pas sortis de la salle d’audience » et « portaient uniquement sur la manière dont [le procureur] s’était acquitté de ses fonctions dans l’affaire dirigée contre le client de l’avocate ».

La Cour accepte donc certaines restrictions quand il s’agit de propos tenus hors prétoire, mais ce n’est pas pour autant qu’elle les accepte toutes. Au contraire, les arrêts les plus récents inversent plutôt la tendance.

Ainsi, dans une affaire Amihalachioaie contre Moldavie[110], la Cour a estimé qu'il n'y avait pas « un besoin social impérieux » de restreindre la liberté d'expression de l’avocat qui avait critiqué une décision de la cour constitutionnelle qui écartait les dispositions prévoyant l'affiliation obligatoire des avocats à l'Union des avocats de Moldavie[111]. Condamné par la Cour à payer une amende de 36 euros, il se pourvu devant la Cour européenne qui jugea que « les déclarations du requérant portaient sur une question d'intérêt général et qu'elles s'inscrivaient dans le cadre d'une vive polémique déclenchée parmi les avocats par une décision de la Cour constitutionnelle » ; elle jugea par ailleurs que c’est déclarations ne pouvaient être qualifiées ni de graves ni d'injurieuses à l'égard des juges de la Cour.

La Cour considéra également, dans une affaire Foglia contre Suisse[112], qu’il était contraire à l’article 10 d’infliger une amende et de condamner au disciplinaire un avocat qui avait critiqué dans les médias une banque, dans le cadre d’une affaire très médiatique de détournement couplée avec un assassinat. La Cour a tenu compte, pour légitimer les dires de l’avocat, du contexte particulier et du fait que l’avocat avait d’abord entrepris les procédures juridictionnelles avant de s’épandre dans les média.

Également, dans un arrêt Alfantakis contre Grèce[113], la Cour a dédouané un avocat grec qui avait, au micro d’un journal télévisé, déclaré à propos du rapport du procureur : « Franchement, j'ai ri lorsque je l'ai lu ». L’affaire fut portée la cour d'appel d'Athènes, qui le condamna pour dommage moral subi par le procureur à 11 738,81 euros. Elle condamna aussi le requérant à verser audit procureur 1 200 euros au titre des frais de justice.

La Cour critique la manière  avec laquelle « la cour d'appel n'a fait […] aucune distinction entre « faits » et « jugements de valeur », mais elle a uniquement recherché l'effet provoqué par les termes « lorsque je l'ai lu, j'ai ri » et « opinion littéraire ». Elle a directement recherché si les propos litigieux et l'effet que ceux-ci suscitaient, étaient susceptibles de porter atteinte à la dignité et à l'honneur du plaignant. Dès lors, la cour d'appel a ôté au requérant la possibilité d'établir que lesdits termes ne se prêtaient pas à une démonstration de leur exactitude. En effet, le premier décrivait, en adoptant un ton plutôt ironique, sa propre réaction à la lecture du rapport en cause et le second constituait un pur jugement de valeur »[114]. Elle rappellera également le contexte particulièrement médiatisé de l’affaire.

Enfin, la dernière affaire en date est celle opposant Gomes et Freitas au Portugal[115]. Cette affaire reprend à peu de chose près tous les principes exposés jusqu’ici. Deux avocats portugais avaient réagi à la critique d’un quotidien qui leur reprochait de s’être acharnés sur une juge d’instruction, accusée de corruption passive, et un homme accusée de corruption active. La première avait été innocentée et non le second. La Cour estime que l'argument du Gouvernement selon lequel les requérants n'auraient fait que défendre leur intérêt personnel n’est pas satisfaisant. En effet, même si « les intéressés réagissaient à un article – lui aussi virulent et pour le moins polémique – précédemment publié dans la presse, il ressort du texte litigieux que les requérants se prononçaient, sur un ton certes critique, sur une législation qui permettait le jugement séparé de coaccusés dans une affaire de corruption. L'article en question s'inscrivait donc dans le cadre d'un débat sur le fonctionnement de la justice, ce qui relève manifestement de l'intérêt général »[116]. De plus, contrairement à l’affaire Schöpfer[117], leurs propos ne concernaient pas une procédure pendante et ils n'étaient pas parties à la procédure dans laquelle la juge était impliquée.

Notons également que les avocats peuvent prendre part à la critique de la justice par d’autres moyens que les médias tout en bénéficiant de la protection.

Dans deux arrêts, la Cour a donné raison à un avocat qui avait pris part à une manifestation et avait  été sanctionné.

Dans la première affaire[118], l’avocat avait participé à une manifestation autorisée de protestation contre le fonctionnement de la justice. Après que sa sanction disciplinaire (un blâme) eut été confirmée par la Cour de cassation, il se pourvut devant la Cour européenne, qui lui donna raison, en ces termes : « la Cour estime cependant que la liberté de participer à une réunion pacifique - en l’occurrence une manifestation non prohibée - revêt une telle importance qu’elle ne peut subir une quelconque limitation, même pour un avocat, dans la mesure où l’intéressé ne commet par lui-même, à cette occasion, aucun acte répréhensible »[119]. Remarquons que la Cour n’a pas jugé nécessaire d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 10, estimant l’article 11 était une lex specialis et l’article 10 une lex generalis.

Dans la seconde affaire[120], une avocate s’est pourvue devant la Cour car elle estimait son droit de liberté de réunion pacifique bafoué, non pas à cause d’une sanction, mais bien en raison[121] du caractère violent et disproportionné de l’intervention de la police contre les manifestants. La Cour rappela qu’ « en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques ».

 

  1. Conclusion

Voilà où nous en sommes.

Aujourd’hui, tout n’est pas permis dans l’enceinte du prétoire. Reste la prohibition de l’attaque méchante, ad hominem, étrangère à la défense.

Mais presque[DP3]  tout est permis en dehors de cette enceinte. Les principes qui gouvernent la liberté d’expression, dans le périmètre régi par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, garantissent aussi à l’avocat, comme à tout individu, un droit de critique très étendu.

Une différence subsiste, à la marge. De fausses accusations publiques exposent toujours leur auteur à la sanction, même si elles sont en rapport direct avec la défense, ce qui n’est pas le cas à la barre.

Mais nous pouvons convenir qu’aujourd’hui, sous l’angle de la liberté d’expression, l’avocat dispose des moyens nécessaires pour assurer une défense totale, libre et efficace.  Ce qui reste sanctionné, à la scène comme à la ville, n’est-ce pas seulement l’excès impardonnable, parce qu’injustifié et injustifiable ?

L’immunité de plaidoirie est le paradigme de la défense.

Sans liberté de parole, la défense n’est que simulacre. Sans défense libre, il n’est pas de vraie justice[122].

Est-il étonnant que les avocats aient eu la faveur d’un prestige tout particulier aux époques où ils se sont engagés tout particulièrement dans la vie de leur cité ?

Ce fut le cas au XVIe siècle, à l’époque où Loisel prêtait serment.

Ce le fut encore au long du XVIIIe, à l’époque des quarante, de Voltaire et de Linguet, puis lors de la révolution française.

Ce le fut à nouveau en 1830, à Liège et à Bruxelles, lorsque, derrière Gendebien, Rogier et de Gerlache, les avocats jouèrent un rôle majeur dans l’avènement de notre Royaume.

Ce l’est aujourd’hui en Tunisie, là où le barreau de Maîtres Radhia Nasraoui et Abderrazak Kilani vient de jouer un rôle moteur dans la révolution du jasmin, ou en Syrie, où derrière Maîtres Haitan Al Maleh, Haitan Al Hassani, Anwar Al Bunni, Razan Zeitouneh ou Moustafa Osso, les avocats défient la dictature au péril de leur liberté et de leurs vies, ou en Iran, où, comme Chirin Ebadi, Sara Sabadian ou Nasrin Sotoudeh, elles (il s’agit de trois avocates parmi bien d’autres) défendent leur concitoyennes brimées au nom d’une vision déformée de l’Islam, ou en Chine, où, à l’instar de Maîtres Chen Guangcheng, Liu Xianbin, Jiang Tianyong ou Liu Shihui, ils incarnent les figures ultimes de la résistance, ou au Burundi, où le bâtonnier Rufyikiri vient d’être, à nouveau, emprisonné pour avoir défendu la liberté d’expression d’une des avocats de son barreau, Maître Bukuru, ou au Mexique, où des avocats comme Maîtres David Pena et Kara Michele Salas défendent, au péril de leurs vies, les victimes de trafiquants et bandits qui les guettent sur la route de l’Eldorado américain.

A ces époques, en ces lieux, les avocats ont exprimé la plus belle de leurs qualités : l’indépendance.

Souvenons-nous en.

 

Aujourd’hui, en Belgique, à Bruxelles, huit hommes et femmes discutent, entre autres petites choses, de l’avenir de notre justice, sans tenir aucunement compte de l’avis des principaux intéressés que sont les magistrats et les avocats. Aujourd’hui, dans son cabinet d’affaires courantes, un ministre organise, de façon minimaliste, au mépris des avertissements et des légitimes revendications du barreau, l’application en Belgique des principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Salduz. Souvenons-nous en.

L’indépendance du barreau est une des conditions, non seulement, du droit exorbitant qui est accordé aux avocats de parler au nom de leurs concitoyens, alors même que leurs droits les plus fondamentaux – la liberté, la dignité – sont en jeu, mais aussi du fonctionnement correct des institutions judiciaires. Comment le juge peut-il rendre la justice s’il n’est pas assuré d’avoir pu entendre chacune des parties exprimer, avec la plus grande des libertés, sa part de vérité ?

La longue et lente marche de la liberté d’expression d’avocat n’est autre que celle du droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les avocats ne sont peut-être que des marchands de mots, des « marchands de vent » a dit il y a une trentaine d’années un ancien bâtonnier du barreau de Liège, mais c’est avec ceux-ci que l’on façonne l’humanité.

Puissions-nous continuer à la cultiver, et à la mettre en œuvre.



[1] G. Duchaine et E. Picard, Manuel pratique de la profession d'avocat en Belgique, Bruxelles, 1869, p. 14.

[2] Loisel et Pasquier, Dialogue des avocats du Parlement de Paris, Paris, Videcoq, 1844 (rééd).

[3] Il en fut notamment ainsi dans notre principauté (voyez l’exposé de Monsieur Georges Martyn, « Introduction historique – L’influence du modèle français sur les barreaux belges (avant et après 1810) », ci-avant).

[4] Voyez J.D. Bredin et Th. Lévy, Convaincre, Dialogue sur l’éloquence, Paris, Odile Jacob, 1997.

[5] Voyez l’exposé de Monsieur Georges Martyn, « Introduction historique – L’influence du modèle français sur les barreaux belges (avant et après 1810) », ci-avant.

[6] Selon l’Encyclopédie de Diderot et d’Alambert, le mot « emparlier » ou « parlier » ou « amparlier » (« taalman » en néerlandais) est « le nom que l’on donnoit anciennement aux avocats plaidans, comme on le voit dans les anciennes coutûmes, styles et pratiques. Ce nom étoit relatif à leur profession qui est de parler en public ; ils ont été appelés conteurs ou plaideurs, clamatores ».

[7] A. Orts, « De la profession d’avocat en Belgique avant la révolution française », B.J., IIe année,  pp. 1535, 1551 et 1599.

[8] Saint Yves vit de 1253 à 1303 en Armorique. Il est à la fois prêtre, avocat et magistrat. Il est canonisé par le pape Clément VI, en Avignon, le 19 mai 1347. Nous ne résistons pas au plaisir de reproduire le début d’une prière à Saint Yves, qui témoigne bien de sa réputation :

 

« Saint-Yves, tant que tu as vécu parmi nous

Tu as été l’avocat des pauvres,

Le défenseur des veuves et des orphelins,

La Providence de tous les nécessiteux ;

Écoute aujourd’hui notre prière.

 

Obtiens nous d’aimer la justice comme tu l’as aimée.

Fais que nous sachions défendre nos droits,

Sans porter préjudice aux autres,

En cherchant avant tout la réconciliation et la paix.

Suscite des défenseurs qui plaident la cause de l’opprimé

Pour que « justice soit rendue dans l’amour ».

 

[9] Sans doute est-ce l’influence de Saint Yves, les papes avignonnais vont créer l’institution de « l’avocat des pauvres », véritable ancêtre de nos bureaux d’aide juridique. Officier spécifique à la Provence, la charge d'avocat des pauvres est créée à la fin du XIVe siècle. C'est l'assistance judiciaire de l'époque. Nommé par le vice-légat, il était à la disposition des indigents mais il devait aussi assurer la défense des faibles, des veuves, des orphelins, religieux et autres personnes ne jouissant pas d'une capacité juridique entière. L'avocat des pauvres assume ses fonctions auprès du Parlement de Provence jusqu'à la fin du XVIIe siècle.

[10] L. Karpik, Les avocats, Entre l’Etat, le public et le marché : XIIIe – XXe siècle, NRF, 1995, p. 41.

[11] L. Karpik rapporte ainsi que l’avocat Jean Filleul, pourtant d’une certaine notoriété, dut faire amende honorable après avoir critiqué un arrêt rendu par le Parlement (id., p. 42, note 1).

[12] P. Martens, « L’avocat vu par le législateur belge », in L’avocat et son nouvel environnement concurrentiel, Ed. du jeune barreau de Liège, 2001, p. 49.

[13] H.F. d’Aguesseau, « Premier discours prononcé en 1693 : l’indépendance de l’avocat », in Œuvres complètes du chancelier d’Aguesseau, Paris, Fantin et compagnie, 1819, t. I, pp. 1-13.

[14] La bulle Unigenitus ou Unigenitus Dei Filius[] est la bulle que le pape Clément XI édicte en septembre 1713 pour dénoncer le jansénisme. Elle vise plus particulièrement l'oratorien Pasquier Quesnel et condamne comme fausses et hérétiques cent une propositions extraites des Réflexions morales, son ouvrage paru en 1692 et qui continue d'asseoir son succès.

[15] Falconnet, La barreau français, Paris, Cuchet et Garnery, 1806-1808, t. I, p. XXXI, cité par L. Karpik, op. cit., p. 114.

[16] Voyez, notamment, le groupe LinkedIn « Avocats du monde pour la défense des droits de l’homme » http://www.linkedin.com/groups?about=&gid=2469947&trk=anet_ug_grppro .

[17] Cité par L. Karpik, op. cit., p. 142.

[18] Cité par G. le Foyer de Costil, « L’indépendance », in L’avocat en France, Ed. Gazette du Palais, 2004, p. 56.

[19] Il semble que ce dernier se repentit rapidement de son initiative, puisqu’il militât très tôt pour le rétablissement des Ordres : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Bergasse .

[20] L’assemblée législative, qui succédera à la Constituante, est même composée de 400 avocats sur 745 députés.

[21] « à aucune époque, nous n’avons formé une corporation. Nous n’avons jamais été que les membres d’une société libre et volontaire… »  écrit F. Liouville en 1864 (De la profession d’avocat, Paris, Cosse et Marchal, 1864, p. 262).  Et le bâtonnier Georges Flécheux de renchérir : « Nous ne sommes ni une corporation, ni un syndicat : nous sommes un Ordre » (Gazette du palais, 29-30 janvier 1992, p. 16).

[22] Voyez J. Hamelin et A. Damien, Les règles de la profession d’avocat, 9e éd., Dalloz, 2000, p. 21 ; J.P. Buyle, « Le monopole de l’avocat : privilège anachronique ou impérieuse nécessité ? » in Les monopoles professionnels, Anthemis et CCAI, 2010, p. 25, qui cite J.F. Fournel, Histoire des avocats, t. II,  p. 538, et A.-G. Camus, Lettres sur la profession d’avocat, Bruxelles, Librairie de jurisprudence de H. Tarlier, 1833, pp. 65 et 66. Certains souhaitaient « réformer les abus d’une compagnie tout à la fois aristocratique et despotique… » tandis que d’autres, effrayés par la multiplication des tribunaux que les premières réformes révolutionnaires induisaient et par le fait que fleuriraient nécessairement auprès d’eux des plaideurs ne disposant pas de leurs expérience et principes, auraient préféré voir disparaître leur profession plutôt que de risquer qu’elle déchut : « Exterminons-nous-mêmes l’objet de notre affection, plutôt que de le livrer aux outrages et aux affronts… qu’il n’y ait plus d’avocat dès que nous aurons cessé de l’être ! ».

[24] La déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été adoptée dès le 27 août 1789. Elle consacre la présomption d’innocence : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi » (article IX). Et la liberté d’expression : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi » (article XI). Elle est cependant muette sur les droits de défense.

[25] Voyez J.P. Buyle, « Le monopole de l’avocat : privilège anachronique ou impérieuse nécessité ? » in Les monopoles professionnels, Anthemis et CCAI, 2010, p. 24.

[27] Décret du 2 nivôse an XI, qui rétablit le costume des « gens de loi ». Le terme « avocat » n’est pas encore employé.

[28] Non sans une diminution considérable des effectifs. En 1811, les barreaux français ne comptent plus qu’environ 50 % des avocats qui officiaient en 1789.

[29] Art. 19 et 21 du décret du 14 décembre 1810.

[30] Art. 40 du décret du 14 décembre 1810.

[31] Art. 1 et 2 du décret du 14 décembre 1810.

[32] La première assemblée générale des avocats du barreau de Bruxelles se tient le 13 juin 1811. Le premier Conseil de discipline se réunit le 22 juin, sous la présidence du bâtonnier Jean-Baptiste Kockaert.

[33] Charles-François-Joseph de Warzée avait été « avocat fiscal » du Conseil ordinaire de Liège, député aux Etats, dès 1785. Il figure notamment dans la liste des membres pressentis en vue de la constitution, en 1787, d’une association liégeoise pour la défense de la religion, des mœurs et du gouvernement (voyez http://www.gedhs.ulg.ac.be/ebibliotheque/articles/droixhe/societe.html ). Il ne semble donc pas qu’il ait été du camp des révolutionnaires les plus engagés...

[34] « Er zal worden ingevoerd een algemeen wetboek van burgerlijk regt, van koophandel, van lijfstraffelijk regt, van de zamenstelling der regterlijke magt, en van de manier van procederen », in C. De Boer et J.W. Sap (eds), Constitutionele bronnen van Nederlandse rechtsgeschiedenis, Nimègue, Ars Aequi Libri, 2007, p. 179.

[35] L’article 2 de l’arrêté royal du 25 février 1817 impose aux avocats de jurer fidélité au roi et soumission à la constitution, Journal officiel du Royaume des Pays-Bas, X, 1817, n° 13, p. 3.

[36] Mes Tarte, Beyens (aîné et cadet), Barthélemy, Donker, Defrenne et Stevens.

[37] G. Duchaine et E. Picard, Manuel pratique de la profession d'avocat en Belgique, Bruxelles, 1869, p. 17.

[38] Arrêté du 2 frimaire an IX obligeant de n’utiliser que le français pour les plaidoyers et sentences, A. Prayon-Van Zuylen, De Belgische taalwetten, Gand, Siffer, 1892, p. 63.

[39]E. C. de Gerlache, Histoire du royaume des Pays-Bas, Bruxelles, H. Goemaere, 1859, p. 211.

[40] Voyez G. Martyn, « L’introduction des barreaux de modèle napoléonien dans les Neuf Départements et leur évolution au XIXe siècle », in H. LEUWERS (ed.), Juges, avocats et notaires dans l'espace franco-belge. Expériences spécifiques ou partagées (XVIIIe-XIXe siècle) (Justice and Society, II), Bruxelles, Archives Générales du Royaume, 2010 (ISBN 978 90 5746 280 1), p. 92 et réf. citées.

[41]R. Falter, 1830. De scheiding van Nederland, België en Luxemburg, Tielt, Lannoo, 2005, p. 132 ; H. Gaus, Alexandre Gendebien et la Révolution belge de 1830, Gand, Academia Press, 2007.

[42] Le Congrès national comprend, au total, cinquante-sept avocats sur un total de deux cents membres. Il faut y ajouter de nombreux magistrats (19), dont, à Liège, Nicolas de Behr (1786-1862. Il entre à la Cour d’appel de Liège en 1811. Il en deviendra premier président en 1836. Six fois député, il assumera la vice-présidence de la Chambre à deux reprises, de 1835 à 1843), Etienne de Sauvage (1789-1867, substitut du Procureur impérial à Emdem, puis auditeur militaire à Luxembourg et Bouillon, puis juge au tribunal de première instance de Liège, poste qu’il occupe à la révolution. Il sera ensuite Gouverneur de la Province de Liège), Alexandre d’Oreye (1798-1886, avocat, substitut puis Procureur du Roi, poste qu’il occupe en 1830. Il sera ensuite conseiller à la Cour) et Mathieu Leclercq (1796-1889, avocat puis conseiller à la Cour supérieure de justice de Liège, poste qu’il occupe en 1830. Plusieurs fois membre du Conseil communal de Liège, il est nommé conseiller à la Cour de cassation en 1833, devient Ministre de la Justice en 1840, sous le Gouvernement Lebeau 2, avant de devenir Procureur général à la Cour de cassation)  (ajoutons-y Pascal Drèze, de Verviers) et notaires (2).

[43] Ils y siègent aux côtés d’Ignace Henry (1794-1890), qui deviendra président du Tribunal de première instance de Dinant, et inaugurera une lignée de juristes comprenant Alix, notaire à Dinant (1839-1928), Marcel, avocat à Liège puis référendaire du Tribunal de commerce de Liège (1895-1984), et Jacques, bâtonnier du barreau de Liège (1927-1987).

[44] Jean-Joseph Raikem (1787-1875) est bâtonnier en 1828-1829, participe activement à la révolution et devient membre du Congrès national. Il est ministre de la Justice de 1831 à 1832, président de la Chambre de 1832 à 1839 puis redevient ministre de la Justice en 1839. Il devient Procureur général en 1848. A sa retraite, en 1867, il se réinscrit au barreau et sera à nouveau bâtonnier de 1868 à 1870.

[45] Joseph Lebeau (1794-1865) entre au barreau en 1819. En 1824, avec Devaux et Rogier, il fonde le Matthieu Lansberg, journal politique libéral, qui deviendra, dès 1826, Le politique. Très actif pendant la révolution, il est nommé avocat général dès septembre 1830. En 1831, sur l’insistance du régent Surlet de Chokier, il accepte la présidence du Gouvernement. Il rentre dans le rang après l’arrivée au pouvoir de Léopold Ier , mais c’est à lui que celui-ci fait appel, le 2 août 1831 lorsque le Hollandais marchent sur la Belgique. Grâce au soutien des français, obtenu par Lebeau, les Hollandais sont arrêtés. Il sera à nouveau ministre de 1832 à 1834, puis devient Gouverneur de Namur. Il est rappelé au pouvoir en 1840 pour diriger le premier Gouvernement libéral homogène.

[46] Charles Rogier (1800-1885) entre en politique en collaborant au Matthieu Lansberg dès 1824. Il est docteur en droit en 1826 et entre au barreau, qu’il ne fréquentera cependant guère. Il se fait remarquer par plusieurs articles très virulents, notamment à propos des lois de néerlandisation de la justice et de l’administration. En 1830, il est poursuivi pour outrage au Roi. Le 1er septembre, il prend possession de la caserne de Saint-Laurent, à la tête des volontaires liégeois. Il siège au Gouvernement provisoire, aux côtés de Gendebien. Gouverneur de la province d’Anvers (1831-1832, puis 1834-1840), puis ministre de l’intérieur (1832-1834) et des travaux publics (1840-1841), il dirige le Gouvernement de 1847 à 1852 puis de 1857 à 1867.

[47] Etienne-Constant de Gerlache (1785-1871) fréquente assidument la Société libre d’Emulation et participe aux travaux du Comité de littérature et des Beaux-Arts. Passionné par la musique, il consacre un essai à Grétry. C’est lui qui ramènera son cœur de Paris (cœur qui se trouve toujours dans la statue d’André-Modeste Grétry devant l’Opéra, place de la République Française). En 1821, il siège au Conseil de Régence. Membre des Etats Généraux dès 1828, il s’y oppose virulemment à Van Maanen. Il est premier vice-président du bureau du Congrès national, battu de justesse pour la présidence par Surlet de Chokier. Quand ce dernier devient Régent, c’est de Gerlache qui assume la présidence du Congrès national. En cette qualité, il préside la délégation qui porte au prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha le décret qui l’élit Roi des Belges. Il est à la gauche du Roi lorsque celui-ci prête serment. Mais, peut-être usé par les attaques incessantes de Gendebien (qui est libéral, tandis que de Gerlache est catholique) ou impressionné par l’encyclique réactionnaire Mirari vos du pape Grégoire XVI, de Gerlache renonce à la politique en 1832, pour assumer la fonction de premier président de la Cour de cassation, qu’il assumera jusqu’en 1867. En 1839, il accepte néanmoins une mission diplomatique extraordinaire et se rend à Londres pour obtenir le soutien de l’Angleterre dans le cadre du conflit territorial qui oppose notre pays aux Pays-Bas qui se terminera par l’abandon d’une partie du Limbourg et du Luxembourg. Malgré ses fonctions, il continuera, par de nombreux écrits et interventions, à marquer l’opinion catholique belge.

[48] Jacques Fleussu (1803-1858) participera notamment aux travaux préparatoires de notre Constitution, aux côtés de Joseph Forgeur. Au Congrès national, il représente l’arrondissement de Waremme. Défenseur du monocaméralisme, il siègera à plusieurs reprises à la Chambre des représentants et au Conseil communal de Liège. Il deviendra conseiller à la Cour d’appel de Liège en 1832, tout en poursuivant une intense activité politique.

[49] Hyacinthe Cartuyvels (1805-1890), benjamin de nos représentants au Congrès national, y représente également l’arrondissement de Waremme. Il prête serment trois mois avant la révolution. Il abandonne la politique lorsque la situation est pacifiée. Il sera juge aux tribunaux de premières instance de Verviers, de Huy, puis de Liège (dès 1834). Longtemps juge d’instruction, il est nommé à la Cour en 1861 et y finira avec le rang de président de chambre.

[50] Laurent Dethier (1757-1843) fit partie du Congrès de Franchimont, dont il assumera la présidence, du Conseil des Cinq-Cents, du Corps législatif et du Congrès national. Auteur de plusieurs ouvrages politiques, linguistiques géologiques et archéologiques, il découvre l’ottrélite et les cristaux de magnétite. Il est l’auteur de la première carte géologique de Belgique.  Au congrès national, il représente l’arrondissement de Verviers. Plusieurs fois bourgmestre de Theux, il siégea à la Cour d’appel de Liège et fut le dernier des échevins de la Cour de justice du ban de Theux, au marquisat de Franchimont.

[51] Henri Dewandre (1790-1862) fut bâtonnier en 1826-1827. Il ne siège au Congrès que pendant quelques mois, en 1831. Refusant les propositions de nominations comme magistrat, il assumera longtemps la défense des pouvoirs publics devant les juridictions liégeoises. Très éclectique, il est secrétaire général de la Société libre d’Emulation de Liège, et prend part à de nombreuses commissions (notamment celle qui administre et gère la prison Saint-Léonard, celle qui encourage l’instruction élémentaire dans la Province et celle qui est chargée de l’ « embellissement de la ville », mais aussi la commission de direction du Conservatoire ou de l’encouragement des Beaux-Arts). Autre titre : il est l’un des grands promoteurs de l’Ordre de la Basoche (1816) !

[52] Paul Devaux (1801-1880) fonde, avec Joseph Lebeau et Charles Rogier, le Matthieu Lansberg. Il est membre du Gouvernement de Joseph Lebeau en 1831. C’est lui qui suggère le nom de Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha comme premier roi des belges.

[53] Joseph Forgeur (1802-1872) prête serment le 7 août 1824. En 1830, il est commandant en second de la Garde urbaine liégeoise et reçoit la reddition de la citadelle de Liège. Il sera l’un des quatre secrétaires du Congrès national. Il fut bâtonnier de 1836 à 1839, puis de 1846 à 1848, de 1859 à 1861 et, encore, juste avant sa mort de 1870 à 1872.

[54] Courrier du Procureur général Van Meenen du 5 avril 1832, publié dans les journaux de l’époque. On notera que c’est toujours au nom de ce principe que le Parquet général de Liège s’est opposé à la présence des avocats dans les cabinets des juges d’instruction en application de l’arrêt Salduz de la Cour européenne des droits de l’homme (C. Visart de Bocarmé et N. Banneux, «La mise en œuvre de la jurisprudence « Salduz » par le ministère public », in Actualités de droit pénal, Formation permanente C.U.P., 2011, vol. 128, pp. 109 et s.). 

[55] Art. 6 de la Constitution : « Il n’y a dans l’Etat aucune distinction d’ordres. Les Belges sont égaux devant la loi »… 

[56] Pour une lecture intégrale du procès-verbal de cette assemblée du 7 avril 1832, voy. G. Duchaine et E. Picard, op. cit., pp. 20 et s.

[57] Admission au stage uniquement des jeunes avocats étant prêts à signer le procès-verbal du 7 avril 1832.

[58] Pour une lecture intégrale de ces statuts, voy. G. Duchaine et E. Picard, op. cit., pp. 24 et s.

[59]H. Balthazar, J. Decavele et C. Vandewal (eds), De Tempel van Themis Gent. 160 jaar gerechtsgebouw en rechtspraktijk, Gand, Snoeck, 2007, p. 68. L’Almanach de Gand comprend pourtant la mention d’un bâtonnier dès 1821. Les autres barreaux belges verront le jour aux dates suivantes :  Anvers : 1816 ; Mons : 1833 ; Bruges : 1835 ; Louvain : 1846 ; Charleroi : 1852 ; Malines :1872 ; Namur : 1877 ; Arlon : 1883 ; Verviers : 1887 ; Tongres : 1896 ; Tournai : 1912 ; Courtrai : 1925 ; Nivelles : 1928 ; Audenarde et Hasselt : 1935 ; Dinant : 1936 ; Turnhout : 1946 ; Ypres : 1952 ; Furnes : 1968 ; Bruxelles néerlandais : 1984 ; Eupen : 1988. Nous n’avons pas pu retrouver les informations relatives aux barreaux de Huy (dont on sait que la création est antérieure à la guerre 1940-1945), Marche-en-Famenne, Neufchâteau et Termonde (qui existait en tout cas en 1901-1902, d’après la thèse en préparation de Bart Quintelier – ce serait finalement 1903 ?).

[60]Arrêté royal du 5 août 1836 contenant règlement sur la profession d’avocat et sur la discipline du barreau, Pasin., 1836, III/6, p. 238-239. Voy. aussi à ce sujet Pandectes Belges, XI, Bruxelles, Larcier, 1884, « Avocat près les cours d’appel », col. 830 et s.

[61]L’article 1er de l’arrêté abroge les articles 10, 19, 21, 22, § 1, 29, § 1, 30, 32, 33 et 40 du décret et remplace les articles 10, 19, 21, 30 et 32 du décret par les articles 12, 4, , 9, 10 et 13 de l’arrêté.

[62]La limite de vingt avocats de l’article 2 du décret de 1810 n’ayant pas été changée. Pour un bref historique des barreaux belges, voyez le Journal des avocats, 2011/4.

[63] Il est amusant de constater qu’à cette époque, lorsque le juge donnait la parole à l’avocat, il lui disait « couvrez-vous, avocat » ; cela signifiait « parlez librement ».

[64]G. Duchaine et E. Picard, op. cit., p. 229.

[65] Cass., 8 novembre 1852, B.J., XI (1853), p.558 ; Pas., I, 1853,  p.130 ; J.L.M.B., 2011, p. 1373.

[66] Corr. Brux., 11 décembre 1852, B.J., XI (1853), p. 1048 ; J.L.M.B., 2011, p. 1375.

[67] Civ. Brux, 23 juillet 1863, Pas., III, 1864, p. 301 : « Lorsqu’une partie prétend avoir été injuriée ou calomniée par un avocat dans sa plaidoirie, elle doit demander la répression du délit à l’audience même où ces injures ou calomnies lui ont été adressées. Elle doit dans tous les cas être déclarée mal fondée lorsque le juge reconnait que les paroles dont elle se plaint n’ont pas excédé les droits de la défense et ont été nécessitées par les besoins de la cause ».

[68] Selon un arrêt de la Cour de cassation que G. Duchaine et E. Picard citent comme suit (p. 208) : Cass., 11 novembre 1862, B.J., II (1844), p. 54. Nous n’avons cependant pu retrouver cet arrêt dont la référence est manifestement erronée.

[69] Pasin., 1967, supplément, p. 426.

[70] Pour un exposé systématique de cette question, voyez B. Vanham, « La plaidoirie libre dans le prétoire », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, pp. 13-32.

[71] Cass., 9 mai  1978, R.W., 1978-79, p. 1833.

[72] Cass., 10 mars 1992, Pas., 1992, I, 617.

[73] B. Vanham, « La plaidoirie libre dans le prétoire », in La parole de l’avocat, Anthémis, 2010, pp. 18 et 19.

[74] Liège, 17 novembre 2004,  J.T. 2006, pp. 466 et 467.

[75] F. Glansdorff, note sous Liège, 17 novembre 2004,  J.T. 2006, p. 467.

[76] Bruxelles, 23 février 1955, J.T., p. 218.

[77] B. Vanham, ibid., p. 22.

[78] B. Vanham, ibid., p. 22. Voyez cependant Cass. Fr., 24 mars 2008, et Cass. Fr. 14 octobre 2010, que nous analysons infra, § 6.1.

[79] Cass., 24 mars 1873, Pas., 1873, I, 153, J.L.M.B., 2011, p. 1377.

[80] Cass., 25 septembre 1950, Pas., 1951, I, 22, J.L.M.B., 2011, p. 1381.

[81] P. Henry, « Demain, les chiens ? », in Liber amicorum Paul Martens, Larcier, 2007, p. 41.

[82] Cour Eur. D.H., 20 avril 2004, Amihalachioaie / Moldavie, et 27 janvier 2004, Kyprianou / Chypre, J.L.M.B., 2006, p. 1572, avec obs. L. MISSON et L. KAËNS, « Quelle liberté d’expression pour les avocats ? ». Voyez aussi, à propos de ces arrêts, V. RENAUDIE, « La liberté d’expression de l’avocat dans la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme », Gaz. Pal., 9 juillet 2006, p. 2.

[83] Cour Eur. D.H., 21 mars 2002, Nikula/ Finlande, J.L.M.B., 2011, p.  1381.

[84] Cour Eur. D.H., Mahler/Allemagne, 14 janvier 1998.

[85] Cour Eur. D.H., Kyprianou/Chypre, 15 décembre 2005,  J.L.M.B., 2006, p. 1572 et obs. L. MISSON et L. KAËNS.

[86] L. Misson, « Quelle liberté d’expression pour les avocats ? », note sous Cour Eur. D.H., Kyprianou/Chypre, 15 décembre 2005, J.L.M.B., 2006, p. 1582.

[87] Pour deux cas d’application, voyez Civ. Paris, 15 janvier 2001, Mealey’s Int. Arb. Rep., 2001, vol. 16, n°3, p. A.1 ; Rev. Arb., 2001, 183 ; J.C.P., 2002, II, 10002 et note B. Fillion-Dufouleur ; Civ. Paris, 9 mai 2001, Rev. Arb., 2001, 612. Ces décisions sont abondamment commentées par P. Pic, « La liberté de parole de l’avocat dans la procédure arbitrale », Gaz. PaI, 2002, p. 929.

[88] P. Rouard rapporte ainsi une décision du tribunal correctionnel de Charleroi qui a ordonné l’arrestation immédiate d’un avocat qui, au cours d’une audience, sans être le conseil d’une des parties dont la cause était examinée, aurait formulé des observations et jeté sa robe en l’air (Traité élémentaire de droit judiciaire privé, tome préliminaire, vol. II, p. 641, note 1, sous le n° 934).

[89] Cass. Fr. (crim.), 11 juin 1979, Bull., 203. La solution nous paraît discutable. La rédaction d’une note de faits directoire participe à la défense tout autant que la rédaction de conclusions.

[90] Civ. Paris, 14 juin 1999, Dall., 1999, 566. La solution est évidente.

[91] Cass. Fr. (crim.), 15 mai 1972, Bull., 168. La solution ne nous paraît pas transposable en Belgique puisque les bureaux d’assistance judiciaire ont un statut juridictionnel (chambre d’un tribunal ou d’une cour).

[92] Infra, point 6.2.

[93] Cass., 3 février 1998, Pas., 1998, I, 149 ; Bull., 1998, p. 159.

[94] B. Vanham, ibid., p. 29.

[95] Voy. par exemple l’affaire Mahler contre Allemagne, dans laquelle l’avocat avait dit de l’avis du juge qu’il était « ridicule », Cour Eur. D.H., Mahler/Allemagne, 14/1/1998. Voyez également l’arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique, où l’avocat avait cru pouvoir critiquer ouvertement des magistrats par voie de conférence de presse, de façon injurieuse : Cour Eur. D.H., De Haes et Gijsels/Belgique, 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 234, § 37.

[96] Bruxelles, Ch. mis. acc., 11 juin 2008,  J.T., 2008, p. 603. Dans le même sens, voyez aussi Cour Eur. D.H., 28 octobre 2003, Steur / Pays-Bas, R.D.J.P., 2004, p. 10 et obs. D. Lindemans : il s’agissait d’un avocat qui avait violemment critiqué les pratiques d’interrogation d’un agent de police.

[97] Cass. Fr., 28 mars 2008, cité par B. Richard, « Sommes-nous insuffisamment immunisés ? », Gaz. Pal., 3-5 juillet 2011, p. 17.

[98] Cass. Fr., 14 mars 2010, cité par B. Richard, « Sommes-nous insuffisamment immunisés ? », Gaz. Pal., 3-5 juillet 2011, p. 17.

[99] André Delvoye cite quelques autres exemples récents dans son « Introduction » à l’ouvrage La parole de l’avocat (Anthemis, 2010, pp. 10-11).

[100] Paris, 27 janvier 1999, D.S., jurisprudence, 1999, p. 101 et note A. Hodebar.

[101] Pour un exposé plus systématique de cette question, voyez F. Jongen, « La liberté d’expression hors du prétoire », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, pp. 33-50.

[102] Cour Eur. D.H., 20 mai 1998, Schöpfer / Suisse.

[103] Cour Eur. D.H., 21 mars 2002, Nikula/ Finlande.

[104] supra, § 6.1.

[105] Cfr par exemple : Cour Eur. D.H., Kyprianou/Chypre, 15 décembre 2005, considérant n° 172,  J.L.M.B., 2006, p. 1572.

[106] Cour Eur. D.H., 28 juin 1995, Zihlmann / Suisse.

[107] Cour Eur. D.H., 20 mai 1998, Schöpfer / Suisse.

[108] Considérant n° 31.

[109] Cour Eur. D.H., 24 janvier 2008, Coutant / France.

[110] Cour Eur. D.H., 20 avril 2004, Amihalachioaie / Moldavie.

[111] Il avait déclaré : « A cause de la décision de la Cour constitutionnelle, une anarchie complète va s'installer dans la profession d'avocat (...) une question se pose : la Cour constitutionnelle est-elle constitutionnelle ? (...) les juges de la Cour constitutionnelle ne considèrent pas la Cour européenne des Droits de l'Homme comme une autorité ».

[112] Cour Eur. D.H., 22 novembre 2007, Foglia / Suisse.

[113] Cour Eur. D.H., 11 février 2010,  Alfantakis / Grèce.

[114] Considérant n° 32.

[115] Cour Eur. D.H., 29 mars 2011, Gouveia Gomes Fernandes et Freitas e Costa / Portugal , J.L.M.B., 2011, p. 836.

[116] Considérant n° 47.

[117] supra, p. 28.

[118] Cour Eur. D.H., 26 avril 1991, Ezelin / France.

[119] Considérant n° 53.

[120] Cour Eur. D.H., 5 décembre 2006, Oya Ataman / Turquie.

[121] Comp. Liège, 3 décembre 2009, J.L.M.B., 2010, p. 283.

[122] « Point de justice sans défense, point de défense sans avocat, j’ajoute point d’avocat sans l’existence d’un Ordre qui peut assurer les garanties que le défenseur doit donner et celles qu’il doit avoir » disait Jules Grévy (cité par A. Delvoye, « Introduction », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, p. 10). « L’indépendance est aussi le détachement du pouvoir politique dans la défense des droits. C’est un des fondements de la noblesse du barreau », ajoute Rémo Danovi (in L’avocat et le respect de son image, Bruylant, 1998, p. 72, cité par R. de Briey, « L’indignation collective et le rôle des Ordres », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, p. 129. Celui-ci ajoute « … dont les Ordres sont dépositaires »). Citant le bâtonnier de Lavallade, du barreau de Bordeaux, Luc Maréchal énonce quant à lui : « Le barreau existe pour faire progresser les mœurs et reculer la tyrannie. Le barreau existe pour assurer partout le triomphe des droits de l’homme et de la liberté… Il ne faudrait pas perdre de vue que la justice, comme notre démocratie l’entend n’est pas une de ces valeurs toujours présente dans la cité, quoi qu’il advienne » (L. Maréchal, « Résister encore et encore », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, p. 138).


 [DP1]Ce paragraphe ne devrait il pas être déplacé ? Je ne le pense pas. Il est bien là-bas même s’il appelle un autre développement en fin de texte. En revanche je supprime le second « encore ».

 [DP2]Phrase trop longue non ? OK. JE coupe

 [DP3]Ce n’est pas l’inverse ? Non, non.

 

Julie Henry & Patrick Henry,

in Deux siècles de libertés, Barreau de Liège, 2011, pp. 87-120

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